SERMON Prononcé à LONDRES, Le 2 de Decembre 1697.

Jour d'Action de Graces POUR LA PAIX.

Sur ces Paroles du Ps. LIV. Vers. 8. ‘Eternel je celebrerai ton Nom, parce qu'il est bon.’

Par PIERRE RIVAL.

A LONDRES, Chés la Veuve Marret & Henry Ribotteau en Salisbury-Buildings dans le Strand. 1698.

Approbation.

NOus soussignés attestons avoir leu un Sermon de Mr. Rival notre Collegue sur le Pseaume 54. v. 8. dans le quel nous n'avons rien trouvé qui ne soit conforme à notre Confession de Foy, & que nous avons jugé tres digne d'estre mis au jour pour faire connoitre au public les sentimens de tous nos Refugiés, pour la prospe­rité du Roy & de ses Estats qu'il a parfaittement bien exprimés.

[...]
Ministres.
  • C. Pegorier,
  • J. de la Motte,
  • D. Chamier.

ERRATA.

PAge 1. ligne 2. pour Ps. LV. lises Ps. LIV. p. 10. l. 10. pour le a lises les a. p. 13. l. 16. pour & lises est. p. 20. l. 15. pour abreger lises abroger. p. 24. l. 18. pour le rapport l. les rapporte. p. 25. l. 3. pour gratitude lises gratuité. pag. 28. ligne 2. pour crées lises creés. p. 29. l. 10. pour de peché lises du peché. p. 29. l. 11. pour tout ce Dieu lises tout ce que Dieu.

SERMON.

Psal. LV. vers. 8. ‘Eternel je celebrerai ton Nom, parce qu'il est bon.’

LE Ciel a répondu à la Terre. Que la Terre réponde au Ciel. Nous avons crié à notre Dieu pendant la guerre, & nous n'avons pas crié inutilement. Ses oreilles ont esté attentives à la voix de nos Supplications, & sa main, sa bonne main nous a don­né la Paix. Elle faisoit l'objet de nos souhaits. Qu'elle soit le sujet de nos benedictions, & de nos louanges. C'est à quoy la Pieté [Page 2] du Roy nous appelle aujourd'huy solemnellement, par ses ordres, & par son exemple. Ouvrés moy, a dit ce Religieux Monarque, comme autrefois le Roy selon le coeur de Dieu; Ouvres moy les portes de Ju­stice: Psal. 118. 19, 20. J'y entreray pour y celebrer l'Eternel, & les Justes y entreront avec moi. Dans ce moment il est prosterné aux pieds du souverain Arbitre de toutes choses. Son ame se répand en actions de graces devant Dieu. Il le benit de ce qu'il lui a pleu d'exaucer ses voeux, & de couronner ses travaux, en faisant succeder aux horreurs d'une longue Guerre, les douceurs d'une Paix glorieuse. Joignons nos coeurs avec le Sien. Que chacun de nous prenne; Que chacun de nous execute religieusement la Sainte résolution, que David ex­primoit lorsqu'il disoit a Dieu dans notre Texte, Eternel je cele­brerai [Page 3] ton Nom, parce qu'il est bon.

Ces paroles sont tirées d'un Pseaume, qui est tout ensemble un Cantique de Priere; & d'A­ction de graces. Le titre nous en fait voir l'occasion. David fuyant la persecution de Saul, se réfugia dans le desert de Ziph. Les habitans de ces quartiers en donnerent avis a ce Roy, & luy promirent de faire tomber Da­vid entre ses mains, s'il vouloit l'aller chercher. Saul ravi de cette nouvelle, & de cette offre, se mit en campagne. Mais Da­vid instruit de ce qui se passoit, se retira dans une montagne au desert de Mahon. Saul le pour­suivit, & bien tost ses troupes l'environnerent, de sorte qu'il ne pouvoit plus echapper. Dans une si grande extremité, il im­plora le secours de Dieu. O Dieu, [Page 4] dit il, Delivre moy par ton Nom, & me fais droit par ta puissance, Sa Ver. 3. Priere fut exaucée. Dans le temps qu'il se trouva si fort resserré qu'il lui estoit impossible de fuir da­vantage, Saul apprit que les Philistins etoient entrés dans son pays, ‘& il jugea plus à propos d'aller repousserces ennemis pub­lics & si redoutables, que de leur laisser son Royaume en proye, en s'opiniastrant a poursuivre un ennemi particulier, & qu'il n'a­voit pas tant de sujet de crain­dre.’ Alors David sorti d'un pe­ril qui sembloit inevitable, chan­gea ses Prieres en Actions de Graces. O Dieu, s'escria til, je te ferai sacrifice de bon coeur, E­ternel je celebrerai ton Nom parce qu'il est bon, car il m'a delivré de toute detresse, & mon oeil a veu ce qu'il vouloit voir sur mes enne­mis.

L'occasion de notre Texte est donc fort differente, de celle qui excite aujourd'huy notre recon­noissance. Bien loin que ceux avec qui nous avions la guerre nous eussent environnés, à parler humainement ils avoient plus de su­jet que nous d'en apprehender les suittes. Aussi ont ils esté les pre­miers à rechercher la Paix, & nous pourrions nous vanter de la leur avoir donnée, s'il ne fa­loit pas avouer qu'elle leur coute cher. Mais quoy que nostre e­stat, fust fort different de celuy ou David se trouvoit, lorsqu'il composa ce cantique, nous pou­vons pourtant emprunter ce que nous en avons leu, puisqu'il ex­prime une partie, de ce que nous devons faire a l'egard de Dieu. La guerre qu'il a terminée, étoit un mal en elle mesme. Benis­sons donc sa bonté qui nous en [Page 6] a délivrés, quoi que ce fust un plus grand mal, pour nos enne­mis que pour nous.

Afin de vous y aider autant que nous le pouvons, nous di­viserons notre discours en trois parties. Dans la premiere nous verrons le dessein du Psalmiste, Eternel, dit il, je celebrerai ton Nom. Dans la seconde nous con­sidererons le fondement qu'il luy donne, en ajoutant parce qu'il est bon. Enfin dans la troisiéme nous montrerons: Qu'il faut nous ac­quitter de ce devoir, en général pour toutes les faveurs de Dieu, & en particulier pour celle qui fait la solemnité de ce jour. Com­me il y a un Esprit de Priere, il y a aussi un Esprit de Recon­noissance. Dieu qui en est la source, veuille que nous en soy­ons si bien animés, que penetrés de reconnoissance pour tous les [Page 7] biens dont nous lui sommes re­devables, & particulierement pour la Paix qu'il a donné a cet Etat; Il nous conserve ces biens & les augmente; Il affermisse cette Paix, & l'accompagne de ses plus pre­cieuses benedictions. Amen.

Le dessein que David forme lors qu'il dit, Eternel je celebrerai ton Nom, est une partie essentielle de la reconnoissance qu'on doit a­voir pour Dieu,& la premiere qui se presente a l'esprit. Pour rem­plir ce devoir il saut avant toutes choses, louer Dieu, luy donner la gloire de tous les biens dont on jouyt, le regarder dans le fond de son coeur, & le faire regarder aux autres par des aveus publics, & des declarations solemnelles, comme l'unique source, comme le seul autheur de tout ce que l'on possede de bon, dans la vie naturelle dans la vie civile & dans la vie [Page 8] religieuse. Il faut n'attribuer ri­en, ni a son merite, ni a son a­dresse, ni mesme a ce qu'on ap­pelle les causes secondes: Mais tout absolument à la puissance & à la bonté de Dieu. De sorte que si on a travaillé à l'acquisiti­on, ou à la conservation de quel­que chose, on ne se regarde que comme un instrument, dont il a pleu à la main de Dieu de se ser­vir.

Les gens du monde pensent ici tout autrement. Dieu est par tout, & ils ne le trouvent nulle part. Demandés leur d'ou vien­nent leurs heureux succés. Ils vous répondront, que c'est de leur Prudence, de leur valeur, de tout ce qu'on voudra plustost que de Dieu, jusques à les attribuer à des chimeres, comme ce qu'ils appel­lant le sort des armes, le hazard, la fortune, termes qui pris d'une [Page 9] certaine maniere, peuvent avoir un bon sens, quoi que mal ex­primé, mais qui dans leur bouche, & selon leurs principes ne sont que de vains noms, qui ne signifient rien. Au lieu qu'ils devroient répondre, que ces heureux succés ne viennent que de Dieu. Il n'est pas seulement la grande cause de coutes choses. Il en est encore la seule cause.

Les Creatures quelles qu'elles soient, ne sont appellées des causes secondes que fort improprement. Car au fonds quelque part qu'il semble qu'elles ayent en ce qui arrive dans le monde, elles ne sont pourtant que des instrumens en la main de Dieu, qui n'ont d'efficace, que parce qu'il luy plaist de leur en donner en s'en servant. Ce ne sont point elles qui agis­sent, c'est Dieu qui agit par elles. Lors mesme qu'on en void sortir [Page 10] les effets les plus naturels, toute leur vertu, toute leur force doit estre attribuée a l'invisible main de Dieu, qui exerce sa puissance par leur moyen, ou plustost à leur occasion. Leur action peut elle avoir d'autre principe que celuy de leur existence? Puis donc qu'­elles n'existent que par la puissance de Dieu, qui le [...] a tirées du neant, & qui les conserve, n'est il pas evident quelles n'agissent que par cette mesme puissance de Dieu? Et de l'impossibilité ou sont toutes le [...] creatures de rien faire par elles mesmes, que faut il conclurre, si ce n'est que quelque avantage que nous en retirions, nous ne devons jamais nous y arrester, mais qu'il faut tousjours remonter jusques a Dieu, pour luy en donner toute la gloire, parce qu'estant la grande cause ou pour parler plus juste la seule cause de tout, les autres [Page 11] estres n'ont d'efficace pour nous, qu'autant qu'il plaist a Dieu de les benir, c'est a dire de les ac­compagner de sa puissance en notre faveur, sans quoy ils nous seroient absolument inutiles?

C'est de quoy le raisonnement tout seul est capable de nous con­vaincre. Mais parce que c'est icy une matiere ou la gloire de Dieu est essentiellement interessée, & que les hommes ont naturellement un grand penchant à s'y tromper, il n'a pas voulu nous abandonner là dessus a nos lumieres, & peut estre n'est il rien qui soit plus sou­vent, & plus clairement establi dans les ecrits Sacrés. Ne nous arrestons pas à montrer par ces Ecrits, que Dieu fait tout dans la nature & dans la grace. Ne parlons que de ce qui regarde la Societé. Le Psalmiste nous ap­prend que c'est Dieu qui fait tout [Page 12] ce qui se rapporte a la vie civile, puis qu'il nous declare que sans sa benediction, tous les efforts des hommes a cet egard ne sauroient avoir de succes. Si l'Eternel, dit il, ne bastit la maison, ceux qui la bastissent travaillent en vain. Si l'Eternel ne garde la ville, celuy Psa. 127 1, 2. qui la garde fait le guet inutile­menc, c'est en vain que vous vous levés, de bon matin, que vous dif­ferés de vous reposer; & que vous mangés le pain de douleur. Dieu donne le repos a celuy qu'il aime.

L'Ecriture nous fait voir en particulier, que Dieu preside sur la guerre, qu'il la fait naitre, qu'il l'entretient; qu'il la termine com­me il luy plaist. Elle l'appelle l'Eternel de [...] Armées, Puissant en bataille, Je suis l'Eternel, dit il luy mesme dans le livre d'Esaye, Et il n'y en a point d'autre qui forme la lumiere & qui cr [...]e les tenebres [Page 13] qui fait la paix & qui cree l'ad­versite. Ch 45. 6, 7. C'est moy l'Eternel qui fais toutes ces choses la. C'est les or­dres de Dieu que la victoire suit, & non pas le nombre & la va­leur des combattans. Le Roy, [...] il dit dans le Pseaume 33. Le Roy n'est point sauvé par une grosse ar­mee, Ver. 16. & l'homme puissant n'echappe point par sa grande force, nostre Ver. 20. ame s'est attendue a l'Eternel, il est notre aide & notre bouclier. Le cheval, dit Salomon, Est equippé pour le jour de la bataille, mais la Prov. 21 31. delivrance, c'est a dire la victoire est de l'Eternel.

Une infinité d'experiences con­firment des declarations si expres­ses. L'Histoire Sainte & l'Histoire Prophane sont pleines d'evenemens, qui font toucher au doigt que la Prudence & la valeur des hommes, ne sont pas les vrais principes de ce qui arrive dans le monde, puis [Page 14] qu'on y void souvent arriver pre­cisement le contraire de ce qu'on devoit attendre, de cette Prudence & de cette valeur. Il faut donc tousjours laisser la terre, & s'esle­ver jusqu'au Ciel, pour y adorer la main de Dieu, & attribuer tout a sa sagesse, & a sa puissance.

Ne concluons pourtant pas, que tout ce que les hommes font pour reussir dans leurs desseins soit inu­tile, mais concluons qu'il le seroit, si Dieu n'y repandoit pas sa bene­diction. Ils viennent d'ordinaire a bout de leurs entreprises, lors qu'ils suivent de bons conseils, qu'ils tiennent une conduitte Sage, & qu'ils employent des moyens, qui ont du rapport avec les fins qu'ils se proposent. Mais d'ou vient tout cela? C'est de Dieu qui voulant les faire reussir par des voyes naturelles, leur inspire ces bons conseils, leur fait tenir cette [Page 15] Sage conduitte, leur fournit ces moyens propres, & les benit en les accompagnant de ce degré de sa puissance, qui entraine tousjours apres soy d'heureux succés. Au­trement les mesures les mieux prises, les projets les mieux con­aeus & les mieux conduits, tout en un mot se reduit en fumée. Vous Peuples, dit Esaye, Alliés vous, & soyés froissés. Equippés vous, & soyes froissés prenés conseil, & il sera dissipé. Dites la parole, & elle n'aura point d'effet. Car le Dieu fort est avec nous.

Cette verité est si sensible que les Romains; Eux qui porterent l'orgueil humain a son comble, n'avoient basti aucun Temple ni a la Prudence ni a la valeur. Mais ils en avoient elevé un Mag­nifique a la Fortune, pour de­clarer par là, qu'ils attribuoient tout leur bonheur, non a la sa­gesse [Page 16] de leurs conseils, non au courage de leurs soldats, mais uniquement aux soins de la Pro­vidence en leur faveur, car les Sages du Paganisme entendoient la Providence, lors qu'ils parloient de la Fortune.

Qu'il y a de Chrestiens contre qui ces Payens se leveront en Juge­ment! Mais l'exemple de David doit suffire pour les consondre. En combien d'endroits ne void on pas ce vaillant Roy, ce grand Con­querant, benir Dieu de sa Valeur & de ses Victoires? Il semble qu'il n'y avoit rien, qu'il peust s'attri­buer a plus juste titre. Cepen­dant il en fait hommage a Dieu. Il luy en donne toute la gloire. Il reconnoit, il publie que Dieu luy a inspiré la Prudence & le Courage qu'il a fait eclatter en tant d'occasions; que sa bonté la conservé dans tous les dangers [Page 17] aux quels il a esté exposé; & que sa puissance l'a fait triompher, Be­nit soit l'Eternel mon rocher, dit il, lequel dresse mes mains au combat Psal. 144. 1, 2. & mes doigts a la bataille. Qui deploye sa faveur envers moy, ma forteresse, ma haute retraitte, mon liberateur, mon bouclier. Je me suis retiré vers luy. Il range mon peuple sous moy. Ce qu'il dit là de sa va­leur & de ses victoires, c'est ce qu'il dit ailleurs de tous les autres avantages qu'il possedoit.

Afin donc d'offrir a Dieu le Sa­crifice d'une vraye reconnoissance, il faut luy offrir ce que le St. Es­prit Osee 14. 2. appelle le bouveau des levres, Hebr. 13. 15. un Sacrifice de louange en celebrant son Saint Nom. Sacrifice qui fasse connoitre que bien loin d'encenser Habac 1▪ 16. a ses rets & a ses filés, comme parle l'Ecriture, on se croid ab­solument redevable de tout ce que l'on possede de bon, à la puissance [Page 18] & a la bontè de Dieu. Il est vray que cette partie de la reconnois­sance toute essentielle qu'elle est, ne peut estre agreable a Dieu, si elle n'est accompagnèe de ces trois autres, de son amour du bon usage de ses graces, & du soin d'obser­ver ses commandemens. Cepen­dant nous nous contenterons de les avoir indiquèes, parce qu'ou­tre que notre Texte ne nous y conduit qu'indirectement, leur dis­cussion nous arresteroit trop long temps. Ainfi nous passerons au fondement du dessein de David. Il dit qu'il veut celebrer le Nom de Dieu parce qu'il est bon. L'Ex­amen de cette raison va faire no­tre second Point.

On explique les dernieres pa­roles de notre Texte de deux ma­nieres, si naturelles & si propres au dessein du Psalmiste, que nous les embrasserons toutes deux. Le [Page 19] premier sens qu'on leur donne les rapporte a la celebration du Nom de Dieu, comme si le Prophete disoit Eternel je celebreray ton Nom parce qu'il est bon que je le fasse. Ce sens se trouve clairement ex­primè en d'autres endroits des Pseaumes. C'est une chose bonne de celebrer l'Eternel, est il dit au Psau. 92. & au 147. Loues l'Eternel car c'est une bonne chose que de Psalmo­dier a notre Dieu.

Pour etablir la bontè de la re­connoissance envers Dieu, dont la celebration de ses louanges est une des principales parties, il suffiroit de dire, qu'il nous la prescrit a tous momens dans sa parole. Tout ce que Dieu commande est bon, par cela mesme qu'il le comman­de, & puis que nous dependons absolument de ses Loix, il est bon, il est juste, il est necessaire que nous executions tout ce qu'il nous [Page 20] ordonne. Quand donc notre re­connoissance pour Dieu, ne seroit sondée que sur son bon plaisir, il n'en faudroit pas d'avantage pour nous convaincre de la bontè, c'est a dire de la justice de ce devoir, & par consequent de la necessitè ou nous sommes de nous en a­quitter. Ainsi les Sacrifices d A­ctions de Graces sous l'ancienne loy, estoient necessaires pour ceux qui pouvoient les offrir. Ils ne l'étoient pas dans leur nature. C'est pourquoy Dieu a peu les abroger sous l'Evangile. Mais pendant que le Ministere de Moyse subsistoit, Dieu les commandoit. C'estoit assès. Il estoit bon de les luy presenter. Il le faloit, & il n'y avoit que la seule impuissance qui peust excuser ceux qui y man­quoient.

Mais ce qu'il y a tousjours eu de moral dans la reconnoissance [Page 21] pour Dieu, a ce grand avantage sur ce qu'il y avoit autrefois de ceremoniel, qu'il n'a pas seule­ment une bontè de precepte & d'institution. Il a encore une bontè naturelle & essentielle. Il n'est pas fondè sur une volontè arbitraire de Dieu. Il tire son origine d'un droit naturel, eternel, necessaire, indispensable en luy mesme. De sorte que c'est un de­voir de la Religion naturelle, qui a tousjours subsistè, & qui subsiste­ra tousjours inviolablement. Com­me Dieu est le Principe de toutes choses, il en est aussi la Fin, Par Rom. 11. 36. luy & pour luy sont toutes choses dit St. Paul. Il est l'estre souve­rain, & par consequent la fin sou­veraine de tout, mesme de ses propres actions. Il faut donc que tous les biens que sa bontè se plaist a rèpandre sur les hommes, retour­nent des hommes a Dieu, comme [Page 22] les fleuves r'entrent dans la mer d'ou ils tirent leur origine. Mais parce que ces biens ne peuvent re­tourner a Dieu dans leur substance, a cause de l'excellence de sa na­ture, il faut qu'ils y retournent d'une maniere morale, par les be­nedictions, par les louanges, en un mot par la reconnoissance de ceux qu'il en a fait participans.

A cette double bontè, de pre­cepte & de nature, ajoutons en une troisiéme, qui sera une bontè d'utilitè. Il est bon de celebrer le Nom de Dieu, de luy offrir le Sacrifice de la reconnoissance, par­ce qu'il n'est rien de plus avanta­geux. C'est non seulement un moyen necessaire, pour conserver les biens qu'on a deja obtenus de Dieu, mais encore un secret in­faillible pour en obtenir d'autres. St. Paul disoit sur ce principe, Perseverès en priere, veillans en Colloss. 4. 2. [Page 23] elle avec actions de graces. Il veut dire que le grand moyen d'estre exaucé pour l'avenir, c'est d'estre reconnoissant pour le passè. Ouy la reconnoissance est si agre­able a Dieu, que pour l'amour d'elle il ne manque jamais, de cou­ronner ses premiers bienfaits par de nouvelles faveurs.

D'ailleurs comme c'est par la reconnoissance, que les hommes glorifient Dieu autant qu'ils le peu­vent, c'est aussi a cette vertu en particulier qu'il destine sa gloire. Toutes les vertus viennent du ciel. Toutes les vertus nous y condui­sent. Mais elles n'y entreront pas toutes avec nous. La soy, l'espe­rance & la patience, demeureront pour ainsi dire à la porte, ou plus­tost elles seront changèes, la soy en veue, l'esperance en possession, la patience en triomphe. Mais la reconnoissance encore mieux que [Page 24] la charité sera introduitte dans le ciel, en sa propre nature. Tout le changement qui luy arrivera, c'est quelle sera mise dans sa per­fection. Louer donc Dieu sur la terre, c'est en quelque maniere anticiper la felicité celeste, puisque c'est faire icy bas, ce qui fera là haut dans le ciel l'occupation eter­nelle des Anges, & des Saints glo­rifiés. Que David avoit donc bi­en raison de dire. Eternel je ce­lebreray ton Nom, parce qu'il est bon en prenant ces dernieres pa­roles comme s'il disoit, parce qu'il est bon que je le fasse.

Le second sens qu'on leur donne le rapport au Nom de Dieu qui les precede immediatement. Com­me si le Prophete disoit, Eternel je celebreray ton Nom parce que ton Nom est bon. Ce sens se trouve aussi clairement exprimé en plu­sieurs endroits des Pseaumes, & il [Page 25] y regne beaucoup plus que le pre­mier. Celebrés l'Eternel d'autant qu'il est bon, & que sa gratitude de­meure a tousjours, rien n'est plus fre­quent dans les Sacrés Cantiques.

C'est icy le grand fondement de la reconnoissance envers Dieu, connu de tous ceux qui n'ont pas esté assés aveuglés pour nier une Providence, qui ordonne souve­rainement, de tout ce qui arrive dans le monde. Ils ont tous eu assés de lumiere pour voir que comme on doit aller a Dieu par des Prieres, pour implorer sa bonté, il faut aussi retourner a luy par des actions de graces, pour tous les biens dont on jouit▪ Si ces biens avoient quelque autre source que sa bonté, il seroit obligé de les don­ner, sans qu'on fust obligé de les luy demander, ou tout au plus on ne devroit solliciter que sa Justice. Puis donc que la nature nous dicte, [Page 26] que nous devons recourir a la bonté de Dieu, pour en obtenir les choses qui nous sont necessaires, elle nous convainc en mesme temps, que de­venans redevables à cette bonté par leur possession, nous devons luy en faire hommage, l'en benir, luy en temoigner notre reconnois­sance, autant que nous en sommes capables.

Nous serons encore plus frappés de la consequence qu'il y a, entre la bonté de Dieu envers nous, & notre reconnoissance envers Dieu, si nous la considerons cette bonté, par rapport a notre indignité natu­relle, & par rapport à celle que nous avons contracté par nos crimes. Nous devons estre recon­noissans envers Dieu parce qu'il est bon envers nous nonobstant notre indignité naturelle. Qu'est ce que Dieu est qu'est ce que nous sommes? Dieu est l'etre insiniment [Page 27] parfait l'estre des estres. Son ex­cellence surpasse infiniment l'intel­ligence des Anges. Il est le crea­teur & le gouverneur de l'univers, Le Monarque souverain du ciel & de la terre. L'un est son Trosne. L'Autre est le marchepied de ses pieds. Et nous que sommes nous? Disons le en un mot apres le St. Esprit, Ʋn neant devant Dieu. Ps. 62. 10. Quand mesme nous serious les plus excellentes de toutes les creatures, point de proportion entre son infi­nie grandeur, & notre extreme bas­sesse. Cependant cet eloignement infini qu'il y a entre Dieu & nous. Dieu le traverse les mains pleines de graces pour nous en combler. Une si immense bonté n'est elle pas bien digne de notre reconnoissance, de toute notre reconnoissance? O Psal. 144. 3. Dieu qu'est ce que de l'homme que tu aye soin de luy? Du fils de l'homme mortel que tu en tiennes compte.

Cette indignité est inseparable de la nature de tous les estres cré­és. Elle est donc innocente quel­que grande qu'elle soit. Mais nous en avons une autre qui est crimi­nelle. C'est celle que nous avons contracté, & que nous augmen­tons tous les jours, par les pechés que nous commettons incessam­ment, contre la Majesté de Dieu. Voicy sans doute le plus grand motif qui doit enflammer notre reconnoissance pour luy. C'est comme nous l'avons dit un devoir de la Religion naturelle. Par con­sequent c'est un devoir, qui doit estre pratiqué par toutes les crea­tures intelligentes. Mais que cet­te obligation va bien plus loin pour les creatures pecheresses que pour les autres! Adam innocent devoit estre reconnoissant envers Dieu dans le Paradis terrestre. Les An­ges elus, doivent l'estre encore [Page 29] d'avantage dans le Paradis celeste. Mais nous, nous serons des ingrats si notre reconnoissance ne surpasse celle d'Adam innocent, & celle des Saints Anges.

Il n'y avoit rien en Adam in­nocent qui offencast Dieu. Il n'y a rien de cette nature dans les Saints Anges. Au lieu que cou­verts de la lepre criminelle de peché, tout ce Dieu void en nous, le cho­que, l'outrage, l'irrite & luy met la foudre a la main. Mais infiniment meilleur pour nous que le Pere le plus tendre ne sauroit l'estre pour ses enfans, il n'ecoute ni les droits de sa Justice, ni l'enormité de nos pechés. Il ne preste l'oreille qu'a la voix du sang de son fils notre Redempteur, qui luy crie grace pour nous. Et bien loin de de­charger sur nos testes criminelles les tresors de colere que nous nous som­mes Rom. 2. 5. amassés, il répand abondam­ment [Page 30] sur nous les richesses de sa benignité. Ne serions nous pas donc des monstres d'ingratitude, si nos ames n'estoient penetrées de reconnoissance pour Dieu, puisqu'il est si bon si misericordieux envers nous, que malgré nos rebellions continuelles, il ne laisse pas de nous combler sans cesse de ses fa­veurs? Aprés cela qui ne diroit avec David. Eternel je celebreray ton Nom, parce qu'il est bon, parce que tu es infiniment bon? Il faut nous acquitter de ce devoir en ge­neral pour tous les biens dont Di­eu nous fait jouir, & en particulier pour ceux qui font la solemnité de ce jour, c'est ce que nous allons montrer dans notre troisiéme par­tie qui fera aussi la conclusion de ce Discours.

Quoy que ce jour soit destiné, à rendre solemnellement a Dieu nos actions de graces pour la Paix, [Page 31] notre reconnoissance doit pourtant s'estendre aujourd'huy, sur tous les biens que la bonté de Dieu daigne nous communiquer. Il en est de cette vertu comme de la repen­tance, qui bien qu'elle soit excitée par quelque peché particulier, ne laisse pas de les comprendre tous en general. Voyés le dans le Ps. 51. David n'y parle pas seulement de ces peches sur lesquels le Prophete Nathan avoit reveillé sa conscience. Sa repentance s'estend sur tous les autres. O Dieu s'escrie t'il detourne la face de dessus mes pechés & efface toutes mes iniquités. Ainsi une vraye reconnoissance ne s'arrest jamais au bien present qui l'excite. Elle se dilate, elle porte ses mou­vemens sur tous les autres biens decoulés de la mesme source, & pour ainsi dire elle se promene, elle vole de toutes parts dans l'im­mensité des bienfaits de Dieu, pour [Page 32] en comprendre autant qu'il se peut la longueur & la largeur, la hauteur Ephes. 3. 8. & la profondeur.

Nous ne sommes d'ordinaire sen­sibles qu'aux avantages qui nous sont particuliers. Les autres ne nous touchent point, ou ne nous touchent que foiblement. Cepen­dant les plus communs meritent notre reconnoissance, aussi bien que ceux dont nous jouissons, a l'exclusion des autres peuples ou des autres hommes. Il faut les regar­der du coté de leur diffusion, par­ce que plus on void qu'ils se re­pandent sur differens sujets, & plus doit on admirer la plenitude du fonds qui les produit. Mais en suitte il faut les regarder par rap­port au bonheur, qu'on a de les posseder en particulier. Qu'ils nous seroient sensibles, si nous mettions cette regle en pratique; si apres avoir consideré ce qu'il y [Page 33] a de general dans les merveilles de la nature, de la societé, & de la grace, nous les regardions d'une veue particuliere, comme des bi­ens qui sont pour chacun de nous.

C'est pour moy diroit alors qui que ce soit, c'est pour moy que Dieu fait lever son soleil; qu'il couvre la terre de fruits; & qu'il donne au pain la force de nourrir. C'est pour moy qu'il entretient la societé, dans laquelle il me fait vivre; qu'il l'a delivrée de tels & de tels dangers; qu'il y fait regner le repos & la prosperité. C'est pour moy que Dieu a donné son fils; qu'il fait précher son Evan­gile; qu'il envoye son Esprit; & qu'il ouvre les tresors de sa grace, & de sa gloire. Ouy c'est pour moy, puis que j'entre dans les des­seins de Dieu, lorsqu'il dispense toutes ces faveurs. Comment en jouirois je, si elles n'estoient pas [Page 34] pour moy? Et n'ay je pas le plai­sir de les posseder, aussi bien que si elles n'estoient que pour moy, puis que la part des autres ne me fait rein perdre, & qu'il en reste tousjours autant qu'il m'en faut, assés mesme pour fournir abon­damment aux besoins de tout le monde? Il faut donc que j'en aye la mesme reconnoissance, que je me croirois obligé d'en avoir, si j'estois le seul pour qui Dieu les eust destinées.

Il est vray que les biens de la grace demandent notre reconnois­sance, d'une voix plus forte que tous les autres, parce qu'ils consti­tuent la vraye felicité. Sans eux on est tousjours miserable, au lieu que quand on les possede on est tousjours heureux. Mais pour­tant les biens de la nature & de la societé, ne laissent pas de la meriter toute entiere. Il n'est pas mesme [Page 35] jusques au moindre des bienfaits de Dieu, qui ne nous engage a toute la reconnoissance possible. L'ob­ligation a la reconnoissance, se prend plustost de la dignité du bi­enfaiteur, que du prix du bien fait consideré en luy mesme. Et Dieu n'est il pas un bienfaiteur d'une dignité infinie? Il suffit donc qu'un bien quel qu'il soit parte de sa main. Il acquiert par son ori­gine un degré infini d'excellence, qui ne demanderoit pas moins de nous, qu'une reconnoissance infi­nie, si nous estions capables d'une telle reconnoissance.

Jugés donc combien nous en devons estre penetrés, pour la Paix que Dieu a donné a cet Estat. La Paix est le fondement de tous les biens de la vie civile puisque sans elle on n'en sauroit jouir avec plaisir. Le moyen de les gouter, quand on est dans des alarmes con­tinuelles, [Page 36] ou pour soy mesme, ou du moins pour une partie de ceux avec qui on est uni, ou de sang ou d'amitié, ou d'interest, avec qui on compose un mesme corps de famille, ou de societé? Graces a Dieu nous n'avons presque connu les malheurs de la guerre que par relation, nous ne les avons sentis que par compassion. La bonté divine nous en a garantis, & nous a fait vivre tranquillement, pen­dant que tant de Sieges, & de Batailles, ont rougi les terres, & les mers de sang humain, que tant de villes ont esté pillées, saccagées, brulées, abymées, & que tant de peuples ont esté reduits a la der­niere misere, tantost par ceux qui les attaquoient, & tantost par ceux là mesme qui les defendoient. Que nous trouverions de douceur dans la Paix, si nous avions eprouvé les horreurs de la guerre!

Elle etoit pourtant juste cette guerre de notre part, c'estoit un mal necessaire. Notre Roy aussi equitable & aussi genereux que vaillant, n'avoit pas pris les armes pour agrandir ses Etats aux dépens de ses voisins, ou pour arrester par une jalouse diversion, les pro­grés qu'on faisoit sur l'ennemi du Nom Chrestien. Des motifs plus nobles, plus dignes d'un Prince sujet de J. C. l'engagerent a de­clarer la guerre. Il n'y entraina pas ses Sujets, ils le solliciterent eux mesmes a l'entreprendre, pour se­courir ses Alliés; pour asseurer la liberté Spirituelle, & Temporelle, qu'il venoit de retablir dans ce Royaume, & dont la conservation demandoit, qu'il previnst les desseins qu'on formoit, pour le faire descen­dre d'un trone abandonné, & où il se trouvoit elevé par la juste re­connoissance des peuples, dont il a­voit esté le liberateur.

Loué soit Dieu qui l'a si bien con­duit par ses conseils, si bien soute­nu par sa puissance, qu'il est ve­nu glorieusement a bout d'une en­treprise si juste, si grande, si difficile. Loué soit Dieu, qui benissant ses negotiations, ses veilles, ses fatigues ses travaux, luy a fait terminer une longue & sanglante guerre, par une Paix qui dissipe les craintes de l'Eu­rope, qui asseure le bonheur de ses Etats, & qui eternizera la gloire de son regne. Seigneur nous t'en offrons de bon coeur le Sacrifice de nos actions de graces, nous en cele­brons ton grand Nom, nous en louons ta bonté infinie. Ouy c'est jusques a Dieu qu'il faut nous elever, pour trouver la source de cette Paix. Dieu en est l'autheur, notre Roy en a esté l'instrument, & c'est en sui­vant cette idée que nous devons nous écrier, L'EPEE DE L'ETERNEL ET DE NOTRE GEDEON. Jug. 7. 20.

C'est pour faire de grands ex­ploits par son moyen, que la Pro­vidence l'a fait naitre, & qu'elle là formé. C'est pour cela que le Ciel luy a donné toutes les qua­lités, qui font un parfait Capitaine, un Heros achevé, un des plus grands Rois qui ayent jamais porté la couronne. Habile, penetrant, & secret pour former de grands desseins. Sage, prompt, coura­geux pour les executer. Infatiga­ble dans les plus grands travaux. Intrepidè au milieu des plus grands dangers. Ferme, tousjours le mesme malgré les plus grands re­vers. Ses vertus Heroiques, & Royales, l'ont tousjours fait regner dans le coeur de ses sujets, qui ont sceu reconnoitre la faveur que Di­eu leur a fait, en le pla [...]ant sur le trone. Et pour les autres, si mal­gré sa clemence tant de fois eprou­vée, ils ne peuvent pas se resoudre [Page 40] à l'aimer, au moins l'ont ils tous­jours admiré, avec tout le reste du monde.

Puisse regner long temps un Prince si digne de regner. Puisse t'il jusques a l'age le plus avancé, cueillir tousjours avec plaisir, les doux fruits d'une Paix qui luy cou­ste tant de soins & de peines. Qu'elle joye pour nous de penser qu'un Roy qui nous est si cher, ne sera plus exposé aux perils, que son grand coeur luy a fait courir tant de fois. Nous ne craindrons plus pour sa sacrée personne, La fleche qui vole le jour, la destruction qui degate en plein midy. Pleust a Di­eu Psal. 91. 5, 6. peussions nous en dire autant, de la mortalité qui chemine en te­nebres. Pleust a Dieu n'eussions nous plus a craindre, les dangers cachés, ni les conspirations, ni d'au­tres secrets attentats, ni les mala­dies. Pardonnés nous mesme [Page 41] Grand Roy, si malgré la gloire qui vous attend apres' cette vie, notre interest & celuy de la posterité, nous faisoit souhaitter que vous fussies immortel.

Pratiquons c'en est ici le temps, pratiquons cette exhortation d'un Apostre; Soyés en joye avec ceux qui sont en joye, & en pleur avec Rom. 12. 15. ceux qui sont en pleur. Réjouis­sons nous de tout notre coeur avec cet Etat, de la prosperité dont il jouit, & des grands avantages qu'il doit esperer de la Paix, les Loix de la reconnoissance nous ob­ligent d'entrer parfaittement dans tous ses interests, comme si nous en estions les sujets naturels, puis­que Dieu nous fait la grace de trouver un doux azile dans son sein. Mais en mesme temps mes­lons nos regrets, & nos pleurs avec ceux de notre Sion. Nous avions esperé que la Paix essuye­roit [Page 42] ses larmes, ou du moins qu'­elle y trouveroit quelque sujet de consolation. Mais notre esperance a esté trompée, & bien loin que ses maux diminuent, helas nous les voyons redoubler. Ainsi le veux tu Grand Dieu, qui conduis toutes choses avec une sagesse in­finie. Gardons nous de murmu­rer contre les ordres sacrés de sa Providence. Adorons ses justes jugemens, & en nous resignant tousjours à sa volonté, ne nous lassons point d'implorer ses com­passions. Mais sachons que nous ne pouvons esperer de les emou­voir que par notre conversion. Voulons nous que Dieu rallume le flambeau de notre Sainte Religion dans le pays de notre naissance? Rallumons notre zele pour Dieu. Jusques a ce que nous ayons si bien reglé nos voyes qu'il y puisse prendre plaisir, ne pretendons pas qu'il ap­paise Prov. 16. 7. nos ennemis.

Mais en nous rejouissant de la Paix de cet Estat, en souhaitant la Paix de l'Eglise dans notre Patrie, souvenons nous qu'il y a une autre Paix bien plus importante, bien plus digne de nostre ardeur. C'est la paix avec Dieu. On peut triom­pher des hommes, quelque puis­sants qu'ils soient. Mais Dieu tri­omphe de tout ce qui luy resiste, ou par sa grace, ou par sa justice. Et de quoy nous servira la Paix de l'Estat de quoy nous serviroit la paix de l'Eglise, si nous sommes en guerre avec Dieu? Il en sera de nous comme de ces criminels, qui goutent le repos du sommeil, & font d'agreables songes, pendant que les Juges meditent contre eux un arrest de mort, & que les bour­reaux leur preparent des supplices. Le moyen d'estre en paix avec Dieu, nous le s avons tous c'est de nous repentir sincerement de nos pechés; [Page 44] d'implorer sa misericorde par les merites infinis de son fils J. C. & de travailler avec soin, & avec ardeur à notre sanctification.

En particulier faisons tous nos efforts pour vivre en paix avec tous nos prochains, pour nous re­concilier avec nos plus grands en­nemis. Voyés comment les Rois les plus fiers savent se resoudre a tout, pour avoir la Paix lorsqu'ils ne peuvent plus s'en passer. Leur orgueil apres avoir enflé ses ondes jusques aux nues, shumilie & s'a­baisse jusqu'a terre. Ils vont recher­cher des Mediateurs aux extremi­tés du monde. Ils font les plus grandes avances à leurs ennemis. Ils envoyent jusques dans le coeur de leurs Etats pour pouvoir trait­ter avec eux. Ils donnent les plus grandes marques d'estime, de re­spect & si l'on veut d'amitié, à ceux qu'ils vouloient traitter avec [Page 45] le plus de hauteur, qu'ils hayssoi­ent d'avantage & qui aussi leur avoient fait le plus de mal. Enfin ils restituent Rentes, Terres, Villes, Provinces, sans que de presque toutes leurs conquestes, & de celles de leurs Ancestres, il leur reste au­tre chose que le triste souvenir de ce qu'elles avoient cousté.

Apres cela qui sera retenu par l'Idole du point d'honneur? Est ce qu'elle retient les testes couronnées? Si nous faisions pour bien vivre a­vec nos prochains, ce qu'on void faire aux Rois pour faire la Paix avec leurs ennemis lors qu'ils en ont besoin, la bonne intelligence, l'amitié, la tendresse regneroient bien tost parmy tous les particuli­ers. Quoy donc sera t'il tous­jours Luc. 16. 8. vray, que les enfans de ce si­ecle seront plus prudens en leur ge­neration que les enfans de la lumiere? Sera t'il dit que nous ne ferons pas [Page 46] pour obeyr a Dieu, pour luy plaire, pour sauver nos ames, ce que les Rois ne font pas difficulté de faire, pour le bien de leurs Estats. Pour­chassons Heb. 12. 14. Rom. 12. 18. donc la paix. Entant qu'en nous est, ayons la avec tous, sans qu'aucune raison d'interest & d'ho­neur du monde, soit capable de nous en empecher. Ainsi nous serons de vrays enfans de Paix. Dieu qui est le Dieu de Paix sera notre Pere, & nous aurons part a son heritage. Bien heureux dit le Mat. 5. 9. sauveur bien heureux sont les pacifi­ques, car ils seront appellés enfans de Dieu.

A ce grand Dieu Pere, Fils, Saint Esprit, soit honneur & gloire des maintenant & a jamais. Amen.

FIN.

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