SERMON DE FEU

Mr. MARMET PASTEUR DE L'EGLISE REFORMEE A LONDRES: SVR LA PAIX, QUI SE FIT ENTRE L'ANGLETERRE, ET L'E'COSSE, L'an, 1639.

Imprimé a Londres par T. FORCET. 1645.

ESAYE, CHAPITRE TRENTE ET DEUX VERSET DIXSEPTIESME.

Paix sera L'effect de Justice.

LE texte, que nous venons de lire est courten paro­les, mais il est ample, et abondant en instructions: Ici vous est proposé un­fruit, mais conjoint avce sa plante. De ce fruit dieu vous fait aujourdbuy gouter la dou­ceur; carilnous a donné la paix, et veus estes icy assemblez pour luy en rendre graces; et du milieu de vos contentemens voyans les armes mises bas, et ces nuages dissipéz, qui du sommer des montagnes sembloyent vous menacer detonnerres, de foudres, et de ravages d'unë sanglante guer­re; luy rendre vos voeux, et faire retentir [Page 2]ses louanges. Mais sivous desirez que ceste paix soit perdurable, et que ce doux sub­ject de benir Dieu demeure long temps, et en vos bouches, et en vos coeurs; avec le fruit de la paix, prenez aussy la branche, et la racine, qui est la justice: autrement, ce sera comme une fleur coupee, qui fletrira et sechera dans peu de temps comme un fruit arraché de son arbre, qui tantost se changera en pourtiture, et en corruption. Cest accord des deux Royaumes, que la malice des envieux de leur prosperité avoit voulu faire choquer, pensants voir la Reli­gion, qui fleurit en leur union, enseuelie sous les ruines de leur discordes, est uraye­ment un fruit, que Dieu a fait germer de la justice. Dieu a donné ses jugemens an Roy pour juger son peuple justement, et les montaignes ont porte paix pour le peuple. Pseaum. 72. Les loix n'ont si tost eu repris leur vigueur, et fait paroistre leur êclat, que nos troubles et nos apprehensions se sont evanouyes: ces boutefeux, ces emis­saires du Vatican, qui depuis si long temps sappoyent, minoyent et travaillovent si puissamment pour faire tomber ce Roy­aume en ruine, et en confusion, ont éré de­couverts, prins aux pieges qu'ils avoyent [Page 3]dressez, et escartez comme une troupe de bestes sauvages, qui au lever du soleil se sauve dans la profondeur des forets. Ne [...]ous rendons pas indignes d'un sigrand be­nefice par nos iniquitez, mais pour joüir long temps d'un si excellent fruit, cultivons plus soigneufement que nous n'avons fait jusques icy, cette celeste plante de Justice. Ecoutez ce que dir le Dieu fort l'Eternel. Il parlera de paix à son peuple, et à ses bien aymez, pourveuque jamais ils ne retournent leur folie. Pseaum. 85. vers. 9.

Paix sera l'effect de Justice.

Ici considerons premierement l'excellence de la paix, et puis dela nous comprendrons facilement quel êtat nous devons faire de l'arbre, qui la porte. Combien doit estre belle, et desirable la paix, de qui le nom est si venerable, que Dieu mesme ne dedaigne pas de le porter. Rom. 15.23. 1 Corinth. 14.33. Le Dieu de paix. Le fils Eternel de Dieu entre tous ses titres d' Admirable, de Confeiller, de Dieu fort et puissant, et [...]re d'Eternitè, se qualifie encore le Prince de paix. Esaye, 9. Paix est le subject du chant des Anges au ciel. Luc. 1. Paix est le sommaire de la predication de l'evangile [Page 4]en terre, Ephes. 6.15. Souls le feul nom de paix comme d'une cause seconde, et abon­dante de tous biens les Hebrieux ont com­pris tour ce, qui se pent esperer, et gouter de felicité dans le monde. Et ce non sans raison, comme nous le verrons à clair si nous la considerons on ses diverses bran­ches. Car il ya trois sortes de paix, dont nous joüissons en la vie presente, et une quatriême, pleine, parfaite, accomplie et eternelle, que nous esperons, et attendons en la vie advenir. Les trois sortes de paix, que nous devons chercher, et desirer en cette vie sont la paix avec Dieu, la paix avec nous mesmes, et la paix avec les hommes, parmi lesquels nous conversons. La Paix avec Dieu est le fondement de toutes les autres, et la source de toutes nos consolati­ons. Tout ainsi que de la guerre et de la separation, que nous avons faite entre luy, et nous par nos pechez, sont venus tous les malheurs, les tourmens, les orages, et les calamitez, dont nostre vie est miserable­ment agiteé. En cette ignorance où nous vivons, nos ames estant renfermees dans cette terre stre prison, et ne voyant que par les fenestrages des sens charnels, stupides, et tenebreux, à peine pouvons nous cognoistre [Page 5]l'excellence des choses par elles mesmes. Il faut que comme les peintres pat les om­brages et renfondrements relevent le jour, et animent les couleurs plus vifues: que de mesme nous apprenions l'excellence et la beauté des choses par l'opposition de leurs contraires. L'horreur de la nuit nous fait estimer la lumiere, et les maladies nous font cherir la santé, alors gouteton l'assu­rance quand on est eschappé d'une grande, peur; alors sent ont plus vivement les de­lices de la joye quand elle deliure le coeur des occasions de quelque grand regret. Ceux là ne peuvent sgavoir que c'est des plaisirs de la paix, qui n'ont senti les in­commoditez de la guerre. Pourtant; pour uous faire comprendre la valeur et l'excel­lence de ces trois sortes de paix; nous vous proposerons comme dans un tableau l'hor­reur des guerres, qui les precedent.

Sily eût jamais guerre inegale, ruineuse, dommageable et aboutissante à une fun­este, et miserable fin, c'est celle de l'homme avec Dieu, Lors que parsa felonnie il se re­volta cōtre lui, il attenta de s'égaler au sou­verain; et se mit comme à la solde du Dia­ble son ennemi, pour le combattre; alors l'homme perdit Dieu, et la paix, et soy [Page 6]mesme: alors eprouva-til combien c'est­chose horrible de tomber entre les mains du Dicu viuāt: dés lors l'approche de l'eter­nel luy jetta la terreur dans l'ame: et en sa face; oû auparavant il trouvoit une source de vie, il ne void plus qu'un triste presage de mort: le malheureux prend la fuite, mais quelque part qu'il fuye, il le trouue par tout; les Anges luy denient leur as­sistance; et les malins esprits insultent, et se resiouissent de son masheur: Satan l'as­subjectit à son empire, le charge de liens, et l'agite des èguilions de ses propres pé­chez; le ciel retire de luy ses douces influ­ences, et les astres ne le regardent plus que­d'un aspect malin: Lair l'espouvante de ses tonnerres, et le poursuit de ses fouldres et tourbillons: la met écume de rage con­tre luy, et enfle ses ondes jusques aux nues pour l'accabler: La terre ne luy produit qu'espines et chardons: Les animaux ne cognoissent plus dessus fa face l'image de Dieu; les Marques de sa domination dessus eux, se revoltent de son obeissance, s'arment pour la justice de Dieu, et n'y en pas un si petit, qui ne se bande pour luy faire sentir les traits de son foible courroux.

Tous ces maux, qui de tous les endroits, [Page 7]et de toutes les parties du monde pleuvent fur luy joints avec ceux qui procedants de la corruption de ses heumeurs, et du desor­dre de ses propres passions, dechirent, et son corps et son ame, le poussent (un flot suivant l'autre, et un abisme conviant un au­tre abisme) dedans le gouffre d'une eter­nelle mort, où dans un tourmēt sans fin, sans remede, et sans consolation, se versent à ia­mais les larmes sans profit. Es guerres, qui se demenent entre les Humains on peut op­poser la force à la force; mais qui est ce, qui pourra forcer la force de Dieu? Là on se couvre de terre contre les foudres du canon, et de fer contre les plus foibles ar­mes. mais quelles fortifications bastiraton contre le ciel, et quelle espaisseur de bou­clier tiendra coup contre les fleches de son ire? là on peut appeler du secours; mais qui nous secourra contre celuy, pour qui tou­tes choses combattent? Ici la recousse des hommes nest que vanité: Là, on se peut sauver par la fuite: mais icy où fuirons nous arriere de son esprit? Où irons nous pour nous cacher attiere de sa face? Là, les bons courages se resoluent à tout, et sentent plu­tôt le coup de la mort que celui de la crain­te. Mais icy, Dieu met hors du sens les con­seillers, [Page 8]seillers, et oste le coeur au chef des peuples; la, la mort finit au moins les craintes et les combats; mais ici elle donne Cōmence­ment à l'Eternité des plus grans tour­ments, et plus horribles peines: là, quelques fois en baillant de l'argent on a son ame pont despouille; icy l'homme n'a rien d'as­ser haut prix pour donner en rançon pour son ame: Là quand nous aurions tout le monde pour Ennemy: au moins sommes nous amis de nous mesmes: mais icy nous n'auons pas de plus grands ennemis, ny qui plus fournissent de gehenne à nostre tour­ment, et d'armes à nostre ruine.

D'une guerre si desaduantageuse combi­en est douce, et agreable la reconciliation et la paix? Combien sont beaux sur les mon­tagnes les pieds de ceux qui publient la paix, qui portent bonne nouuelle touchant le biēn et qui publient le salut. Efa. 52. Jamais les saints hommes inspirez de Dieu, et eclai­rez de la lumiere de son esprit n'ont ietié leurs yeux sur cette paix, et reconcilia­tion de Dieu avec les hommes, que leur coeurs tous remplis dejoye, et de contente­ment n'ayent conuié, n'ayent appelé les peuples à la participation de cete felicité. Abraham a veu la journee de Jesus Christ, [Page 9]et s'en est rejoui: Les Patriarches out veu de loin les promesses de cette reconciliati­on, et les ont saluees: les Prophetes les ont apperceues, et en ont publié le bon heur. Cieux Esjouissez vous avec chant de triom­phe, et toy terre esgaie toy, et vous montagnes éclattez de joye, car l'eternela consolé sonpeu­ple, et aura compassion de ceux qu'il a afligez: la femme peut elle oublier son enfant, qu'­elle n'aye pitié du fruit de son ventre? Or quand les femmes les auroient oubliès; si ne [...]'oublieay-ie pas moy Esay. 49. Pour certain, l'eternel consolera Sion, il consoleratoures ses desolations, et rendra son desert sem­blable à Heden, et les land es d'icelle au jar­din de l'Eternel; joye et liesse sera trouvee en elle; louange, et voix de melodie, Esa. 51 p. 3. et 54. p. 1. Esjouîs toy avec chant de triomphe sterile qui n'enfantois point, toy qui ne sgavois que c'estoit de travail d'enfant ec­late de joye avec chant de triomphe, et t'egaye, elargi le lieu de ta tente, et qu on estende les courtines de tes pavillons: n'epargne rien; alonge tes cordages, et fais tenir fermes tes paux; car tu t'epandras à droite et à gauche, et ta posteritè possedera les nations, et rendra habitables les villes desertes, je t'ay delaissee pour un petit moment, mais je te r'assem­bleray [Page 10]par grandes compassions: J'ay cachè maface arriere de toy pour un petit, au mo­ment de l'indignation: mais I'ay compassion de toy par gratuitè Eternelle. Et au 52 chapi­tre. Deserts de Ierusalem eclatez, esioüissez vous ensemble avec chant de triomphe, l'Eter­nel a conselé son peuple, il a racheté Ierusa­lem; l'Eternel a rebrassé les bras de sa sain­teté devantle yeux de toutes les Nations, et tous les bouts de la terre verront lesalut de nostre Dieu. Et au 40 Chap. Consolez, con­solez mon peuple, parlez à Ierusalem Selon son coeur, et luy criez que son temps est prefix, et accompli: que son iniquitè est tenue pour acquitee, qu'elle a receu de l'eternel le dou­ble pour tous ses pechez. Et au 54. chap. Af­fligee, tempestoe, destituee de consolations voicy, Ie m'en vay poser des écarboucles pour tes pierres, et te fonderay sur des saphirs; je feray tes fenestrages d'Agathes, et tes portes seront de pierres de rubis, et tout ton pour­pris de pieres pretieuses: aussi tes enfans se­ront enseignez de l'Eternel, et la paix de tes fils sera abondante. Et au 66. Ejouissez vous avec Ierusalem, et vous egayez en icelle vous tous qui l'aimez, vous tous qui menez dueil sur elle: Ejouissez Vous avec elle en li­esse, affin que vous allaictiez, et que vous soy­ez [Page 11]rassafiez des mammelles de ses consolati­ons, et que vous louissiez à plaisir de toutes les sortes de la gloire, car ainsi a dit l'Eter­nel: voicy, je m'en vay faire decouler vers elle la paix comme un fleuve, et la gloire des nations commeun torrent desborde. En Za­char. chap. 9. Egaye toy grandement fille de Sion, iette cris d' [...]siouissance fille de Jerusa­lem, voicy ton Roy vient vers toy, estant jus­te, et qui segarantit de par soy mesme, abject, et montè surun asne, et sur un asnonpoulain a'asnesse, il retranchera d'Ephraim le char­riage, et de Ierusalem les cheuaux, et l'arc de battaille ne sera plus, Il ne parlera que de paix aux nations, et sa seigneurie sera depuis une mer jusques à l'autre, et depuis le fleuve jusques aux bouts de la terre. Et avec quels biens desirables, avec quelles graces aimables se presente ce grand Mediateur et reconciliateur de Dieu avec les hommes? Esa. 61. Lesprit du Seigneur Eternel est sur moy, pourtant n'a oint l'eternel pour e­vangelizer aux debonnaires, il m'a envoyè pour mediciner ceux, qui avoyent le coeur froissè, pour publier aux captifs libertè et aux prisonniers ouverture de la prison: pour publier l'an de la bienveillance de l'eternel, et le jour de la vengeance de nostre Dieu: [Page 12]pour consoler tous ceux, qui menent düeil en Sion, et leur dire que magnificence leur sera donnee au lieu de la cendre, l'huile de joye, au lieu de düeil; le manteau de louange, au lieu a'Esprit étourdï. Aussi voyez comme à sa venue au monde le ciel retentit du can­tique des Anges, et la joye fut epandue dessus les coeurs de tous ceux, qui atten­doient son salut. Gloire soit à Dieu és lieux treshauts, et paix en terre envers les hommes, de bonne volonte. Car, aussi, au lever de cet orient; le peuple, qui habitoit en tene­bres a veu une grande lumiere et la lumiere a resplendi sur ceux, qui etoient gisants en ombre de mort. Cette paix est une vie; et combien est douce la vie? Cette paix est une lumiere, et combien est agreable la lumiere, sans laquelle la vie ne seroit que comme une triste ombre de mort? Excel­lente, et admirable doit estre cette paix, puisque c'est le legat, que ce grand Prince de paix a laissé à son Eglise, et à ses bien ai mez, lors qu'il se separa d'avec eux. Ie vous donne ma paix, je vous laisse mapaix, non pas comme le monde la donne; que vostre coeur ne soit point trouble, ne craintif, je vous donne une paix que le monde ne vous peut point oster. Voire, ce fils de Dieu est [Page 13]luy mesme nostre paix, qui de deux en a fait un ayant rompu la clôture de la paroy entremoyeme, afin qu'ilralliast les uns, et les autres en un corps à Dieu par la croix, ayant aboli en icelle l'inimitié, et estant venu, il a evangelizé la paix, et a ceux, qui etoient prés; et à ceux, qui e­toient loin: car par lui nous avons, et les uns, et les autres en un mesme esprit accez au pere: et ainfi, ne sommes plus estran­gers, ne forains, mais comme bourgeois des Saints, et domestiques de Dieu. Ainsi l'ame fidele ne tremble plus à l'approche de Dieu, elle a acces avec confiance au throne de sa grace: elle ne voit plus son visage fumant de courroux, mais luy pre­sentant appaise, un rassasiement de joye: elle ne voit plus ses mains armees de fou­dres de vengeance, mais avancees pour sa defence, luy donnant autant de seureté, qu'elles jettent de terreurs, et de ruine des­sus ses adversaires: elle ne regarde plus le ciel d'un oeil pleurant comme le palais d'oú elle estoit bannie, mais comme la maison de son pere, et l'heritage incorrup­tible, qui luy appartient; elle ne decline plus le tribunal de la justice de Dieu, mais aux accusations que Satan, et sa propre [Page 14]conscience intentent à l'encontre d'ellè, comparoist avec l'alliance de Dieu, et le merite de Christ en la main de sa foy, de­mandant au seigneur Iuste Iuge qu'il l'ac­cepte pour autāt qu'il vaut, qu'il l'exempte des peines, que son fils a souffertes pour elle, voire qu'il luy donne la couronne de Iustice, qu'il luy a meritee par son obeis­sance; ainsi dans le sein mesme de ceste justice, qui-auparauant noùs epouvant oit si sort, et qui maintenant a changé ses ju­gements en faveurs, ses condemnations en iustifications, ses suplices en recompen­ces; nos consciences trouvent leur repos. Et qui peut concevoir-l'aise, et la douceut d'une conscience deschargee du fardeau de ses iniquitez, lauee an sang de Christ, sancti­fiee par le saint Esprit {quod} celuy qui la sent, et qui appuié sur Iesus Christ, porté de l'es­perance de la gloire des saints, passe le de­sert de ce monde sous le couvert, et la con­duite de l'amour de son Dieu? Qui peut dire si; Dieu est pour nous, qui sera contre nous? Et qui va son train vers le but, et la paix de la supernelle vocation, certain et affuré qu'ayant paix avec Dieu, les bieus, les maux, l'adverfité, les combats, et les Vict­oires, les aides et les oppositions. Bref [Page 15]toutes choses ne peuvent succeder qu'a son bien? Cette paix est nostre premier bon­heur, la source et le foudement de toutes les autres. O que bien heureax est celui, duquel la transgression est quittee, et du quel le pechè est couuert. Pseaum 32. Cette premiere Paix nous ameine la seconde, à savoir la paix avec nous mesmes. Mais, chacun n'est il pas amy de soy mesme? Et si un royau­me divisé ne peut subsister, comment sub­sisterions nous, si nous estions diviséz en nos propres personnes? Il est vray qu'il y a és hommes une apparence d'accord: et teux, qui plus fort sont ennèmis d'eux mes­mes, serfs de satan, et de peche, semblent [...]ouir d'une plus grande tranquillité, mais combien d'orages se couvent sous ce calme? Combien de mortelles discordes se nour­rissent sous cet ombre de paix? Sainct Pi­trre en sa premiere, Chap. 2. donne advis aux fideles, Abstenez vous dos convoitises charnelles, qui guerroyent, contre vos ames Et qui sont ces convoitises? Nos propres ames, comme nous enseigne St. Paul, Colos. 3. Mortifiez vos membres, qui sont sur la terre, paillardise, souillure, mauvaise convoi­ [...]ise, avarice qui est idolatrie. La chair con­ [...]oite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair, [Page 16]et ses choses sont opposees l'une à l'autre. Gal. 3. Tellement, que comme Iacob et Essau se debattans dedans le ventre de leur mere, luy [...]rent souhaiter la mort: ainsi les fideles sen­tans avec saint Paul l'agitation de ces deux hommes desirent voir la fin de ce combat par la fin de leur propre vie, Las! moy mi­serable, qui me delivrera de ce corps de mort? Rom. 7. et si ces choses arrivent au bois verd, que sera-il fait au bois sec? Si les regenerez sentent cette guerre en eux mesmes, y aura-il aucune sorte de paix dans l'ame des meschans? Ains, j'aurois plu­tôt conté les vagues, qui s'elevent à l'emeu­te des vens dessus le vaste dos de l'Ocean, que je n'auroye fait la representation des troubles, des tempestes, et mouvements, dont les passions perverses agitent leur mi­serables coeurs; les transports, où les jet­te lefol amour; les dangers, où les preci­pite la haine, les vanitez, où les porte la fausse joye; les desespoirs, où les plonge la tristesse; les incertitudes, où les fait flot­ter l'esperance; et les transes, dont les agi­te la crainte; les rages de la colere; les pointes de la jalousie, les gesnes de l'envie, les enfleures de l'orgueil, les etraintes de l'avarice, les soucis, et les inquietudes [Page 17]de l'ambition. Comme les plus grandes chaleurs de la Canicule, nyles plus grands froids de l'hiver ne sont pas si sensibles, que le chaud, et le froid qu'une fievre esmeut en nos veines: aussi les assauts, qui nous sont donnez du dehors, ne sont ny si sensi­bles, ny si dangereux cōme ceux, qui au de­dans nous sont livrez par nos propres pas­sions. Une guerre etrangere purge un Etat; mais une guerre civile le remplit de feu, de sac, de sang, de ruine, et de desolation: et combien dangereuse et cruelle est certe guerre intestine, qui dechire les entrailles? Là dedans, l'homme est comme dans une nuit profonde, et une ombre de mort, oú il n'est nourri que de douleur, n'est abbreuvé que de larmes; où s'il regarde en soy mes­me, il ne voir qu'une abisme de pechez s'il eleve les yeux en haut, il n'apperçoit que tonnerres et menaces, que foudres de iuge­mens, que la justice de Dieu vengeresse ar­mee pour l'acabler. s'il regarde á l'entour de soy, il ne voit que maux et que frayeurs; s'il iette la veue au dessous, il void l'enfer ouvert, et les peines eternelles, qui l'attend­ent, un ver qui ne meurt point, un feu qui ne s'esteint point, et (comme par anticipati­on) sa conscience est un enfer, dans le quel [Page 18]il est miserablement tourmente; cry de frayeur est à son oreille, il est continuelle­ment regardé de l'espee, angoisse, et detresse l'epouvantent, er chacufle d'icelles le sur­montent comme ua Roy equippe pour le com­bat, Iob 15.21. et 24. Voilà une cruelle guerre, l'esprit de l'bomme courageux sou­tiendra lon infirmité; mais l'esprit abba­tu, qui le relevera? Proverb. 18. Plusieurs ont enduré sans mot dire, les genes, les estrapades, les tenailles ardantes; et ont veu hacher, dechirer, et brusser leur corps à petit feu sans se plaindre: mais nul n'a peu jamais endurer les tourments de la conscience, qu'il n'en ayt témoigné le res­sentiment par des tristes lamentations. Je recognoy mes transgressions, et mon peché est continuellement devant moy, Pseaum. 51. Il ny à rien d'entier en ma chair a cause de ton indignation, ni de repos en mes os a cause de mon peché.

Au pris de cette guerre, combien est douce la paix, que Jesus Christ r'ameine cans nos ames: car, comme Ionas ayant été jectè dans la mer, les vents se retire­rent, les flots s'abaisserent, la mer de­meura calme, et le navire, qui estoit prest à perir, surgit heureusement au [Page 19]port: ainsi dèsque JESYS CHRIST est receu dans la conscience, et qu'il se communique à elle par son Esprit con­solateur, tous nos troubles sont appai­sez; la raison prend son Empire, les passions sont rengees sous le joug; et le peche ne domine plus; la peur, et la tri­stesse fortent du coeur; et la joye et la paix fruits de l'esprit de Dieu, en repre­ [...]ent la possession; car la conscience puri­fice des oeuvres mortes reprend son calme, et son repos, et dans le calme de cette paix,' nostre foy s'enracine, nostre esperance se nourit, nôtre amour se r'enflame, nos ver­tus croissent, nos bonnes oeuvres fleuris­sent, et nos ames logent dedans la fente de la roche, au dessus des troubles du monde, prenent accroissemēt en toute chose bonne, et attendent patiemment leur torale de­livrance, et le jour bienbeureux de leur en­tiere redemption. Il n'y a point de tel cordial au monde que l'approbation d'une bonne conscience; c'est le soulagement de nos travaux, le lenitif de tous nos maux, le narcotic de nos douleurs, et le Pa­radis portatif de nos ames. Comme est la santé au corps, qui fait qu'il chemine, qu'il court, qu'il travaille, et fait tous exercises [Page 20]avec plaisir, et repose fort doucement, quoy qu'il n'ait comme Iacob que la terre pour lit, une pierre pour chevet, et la voute des cieux pour pavillon, et couver­ture, au lieu que celuy qui est malade, et languissant, ne se peut mouvoir sans dou­leur, ny trouver le sommeil sur la plus molle plume: ainsi est la bonne consci­ence à l'ame, elle la rend capable de rout faire, et de tout souffrir: qui ne souhaite cette paix, il est ennemi irreconciliable de soymesme.

La troisiemé sorte de paix devroit suivre ces deux precedentes: car celui, qui a la paix avec Dieu et avec soymesme, ne se jettera pas aisément dans les querelles; et la guerre avec ses freres; mais il n'est pas tousiours donné aux paisibles de vivre pai­siblement, ils sont quelquefois emportez par la foule des plus méchants, ou par une injuste oppression, obligee à une injufte defence. Quand il plaist à Dieu de punit les peuples: de petites occasions il leur fait naistre de grandes guerres. Or de tous les fleaux, dont Dieu chastie l'iniquité des hommes il n'y en a point de plus cruel. David, qui avoit passé ses jours parmy les armes le savoit bien, quand le choix luy [Page 21]estant donné, il ayma mieux prendre la peste, que la guerre. Qui pourra regarder sans effroy ce monstre sortant des enfers, trainé par les furies dessus un chariot de fer, ayant derriere soy la haine, et la ven­geance, qui luy inspirent leur venin; à ces costez la rage et la cruauté, qui luy forgent et luy fournissent un million de sortes de mortelles armes, et à ses pieds la trahison et la déloyauté, qui luy assistent de leur pervers conseils? Devant elle marche la licence, et l'insolence, qui s'esgayent en leur renversements, accompagnees de la terreur, qui entonnant un son espouvanta­ble fait prendre la fuite à tous ceux, qui l'entendent: et apres cela la destruction et la ruine remplissent tout de ravage et de confusion. Icy vous voyez les campag­nes en friche, là les villages abandonnez, icy paroissent les tristes mazures des villes demolies: et là bruyent les tonnerres des canons qui foudroyent les murailles et les remparts. Icy dans les lieux desolez s'ap­pergoit un morne silence, et là montent Jusques au ciel les cris forcenez des vain­queurs, peslemeslez avec les soúpirs des vaincus, les plaintes des blessez, les gemis­sements des mourants. Icy les vivants de­poüillent [Page 22]les morts, et là les morts gi­sans sans sepulture, et empuantislans l'air, se vangent pir la peste de la cruauté des vivans; á la peste se joint de prés la fa­mine, qui passe hideuse, enflee, décharnee, suit à lent pas le chariot de cette infernale furie: epouvantable fleau, qui acharne les hommes comme les loups les uns con­tre les autres, et qui rompant tous liens et de nature et de civilité, fait que les pe­res se paissent des enfants, qu'ils ont en­gendrez, et que les enfans remplissent leur corps de la chair de ceux, dont ils ont pris naissance. O que malaisément peuvent comprendre la douceur de la paix ceux, qui ne savent que par oui dire les hor­reurs, et les desolations de la guerre, et qui jamais n'ont veu que dans les gazettes, ou sus les tailles douces, la demarche des armees, le siege des villes, la prise d'icelles par assau't, la penderie des principaux ci­toyens, le pillage des maisons, les viole­mens des filles et des femmes, le meurtre des petis enfans, le ventre des femmes en­ceintes ouvert, et leur fruit se debattant dans leur sang, et dans leurs entrailles, et ces tigres et loups garoux de soldats, ramas­ser les petits enfants sur un rocher, et lá se [Page 23]jouer á qui les prenant par le pieds, les jet­tera plus avant en la riviere. Ce sont lá les horreurs, que l'on a ven commettre dans la France; en l'Allemagne encore pis, l'E­spagne a maintenant son tour. Elle, qui por­tant la guerre au dehors avoit joui si long temps d'une paix si heureuse et ferme. Vous habitans de cette Isle n'en avez oui, que le bruit. Il est vray, que Dieu vous a monstré le glaive; mais il ne la point tiré de son fourreau, il y a eu des entreprises, des ruses, des machinations, deux armees, qui par l'espace de deux ans se sont entre­regardees, mais la main de Dieu entre deux empeschant, qu'il ne se soit fait au­cun acte d'hostilité.

Votre paix n'a esté interrompue que par la crainte, ny vôtre repos, que par quelque apprehension: et ces craintes, Dieu les a aujourd huy dissipees. Vous voilà dans le train de la continuation de la longue, et heureuse paix, dont vous avez joui de puis tant d'annees: l'estimerez vous moins parce qu'elle vous est plus commune? Si Dieu vous a fait si heureux, que vous ne puissiez pas dans vos propre malbeurs, ap­prendre la beauté, et l'excellence de la paix, apprenez la, lizez la, dans les cendres, les ru­ines, les larmes et les desolations d'autruy.

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Houreux celui qui pour devenir sage
Du mal d'autruy fait son apprentissage.

Si vous considerez les miseres des Pro­vinces voisines: alors comprendrez vous combien sont grandes envers vous les mise­ricordes de Dieu, et combien aimable et de­sirable est cette paix, cette fille du ciel, qui rend au monde son serain et sa tranquillité, lumiere de la vie et assaisonnement de tous les biens qui l'accompagnent: sans la quel­le tout ce que le monde peut fournir de douceur nese peut sentir, ny gouter, mais se convertit en occasion d'amertume et de fa­cherie. Que nous servent les honneurs sans la paix, Que pour orner le triomphe de nos ennemis, et nous rendre l'opprobre plus sensible? à quoi les biens, Que pour nous causer des regrets pour le ra­vage que nous en voyons faire? à quoi les amis que pour rengreger nos douleurs par leur communes pertes? à quoi les enfans, que pour nous faire transir et vieillir à l'ap­prehension de leur mort? a quoi mesmes le souvenir denos plaisirs passez, Quepour reveiller nos presentes douleurs et redoub­ler le torrent de nos l'armes? Comme quand le soleil s'esloigne de nous, le ciel se [Page 25]couvre de nuages, lair s'espaissit de brovil­lards, et la terre couverte d'eaux, resserree de glagons, void fletrir sa verdure, s'effacer l'email de ses fleurs, tomber la richesse de ses fruits, et ne lui rester rien dedans lob­scurité, qui l'environne, qu'une triste appa­rence de desolation; mais au retour d'ice­lui elle se r'avive et repare, elle reprend ses ornements, et va estalant ses richesses en la douceur d'un air plus doux. Aussi se re­tirant la paix, tout se trouble par le desor­dre: la terre s'abbreuve de sang et deuleurs; l'air ne retentit que de plaintes; la ruine et la desolation tient la campagne, et l'epou­vantement fait tremblerles plus fortes vil­les; au lieu qu'a son retour les citez fleu­rissent, les champs s'cgayent, la terre rend son rapport, le libre trafic ameine les ri­chesses, chacun demeure à repos sous sa vigne et sous son figuier. Il n'y a personne qui epouvante, mais les loix teprenans leur vigueur, linnocence demeure asseurée; cette paix bouclier contre tant de maux, source de tant de biens, ne la cherirons nous pas? ne la de manderons nous pas à Dieu par ar­dentes prieres? Priez pour la paix de Ie­rusalem. Paix soit á son mur, et à son avant­mur, prosperitè en ses Palais. O! que bien [Page 26]heureux sont ceux qui procurent la paix, car ils seront appelez enfans de Dieu.

Il ya plusieurs moyens pour procurer, et entretenir cette paix, qui sont comme les pas de Jesus Christ Prince de Paix, nôtre lumiere et nôtre guide, sur lesquels il faut que nous le suivions. Le premier est l'hu­milité la racine de paix, dont parlant Iesus Christ, nous dit, Apprenez de moy que je suis debonnaire et humble de coeur et vous trouverez repos à vos ames. JESVS CHRIST est descendu comme pluye sur le regain, et comme la menue pluye sur l'herbe faucheé de la terre, Pseaum 72. il n'a fait aucun bruit, car aussi il est dit de luy qu'il ne criera point, qu'il n'estrivera point, et que sa voix ne sera point enten­due dans les rues: Mais L'orgueil ne pro­duit rien que noise, Proverb. 13. Qui donc aime la paix doit avec Iesus Christ che­miner en humilité.

Le second moyen est la Patience, il faut que tout homme soit patient, qui veut estre pacifique; il faut qu'il repute à honneur de passer par dessus le forfait, et qu'il achete la paix fust ce avec sa perte, et son dommage. Or icy, n'avons nous pas J.C. et pour miroir de patience et pour loyer [Page 27]des patiens? ya il injure qu'il n'ait sup­porté; ou outrage qu'il n'ait enduré? Il a esté mené à la boucherie comme une bre­bis muette devant celui, qui la tond; il n'a point ouvert sa bouche.

Le troisiesme est la prudence, et la dis­cretion: car comme la paix est une har­monie, qui resonne de l'ordre: aussi la dis­cretion est comme le Mareschal de camp, qui le donne, et l'entretient. C'est le pre­cepte de I.C. en qui sont cachez les tresors de Sapience, Marc. 9.51. Ayez du sel en vous mesmes, et soyez en paix entre vous. Comme s'il vouloit dire que le vray moy­en de conserver la paix est de se conduire avec prudence, et discretion.

Mais le plus fort, et le plus grand moy­en d'avoir la paix et de la maintenir, c'est la justice. Paix sera l'effect de Iustice, gra­tuitè et verité se sont rèncontrees; justice, et paix se sont entrebaisees; La paix, que nous avons avec Dieu est un fruit de la ju­stice de I.C. ce mediateur entre Dieu et les hommes, jadis figuré par Melchisedes roy de Salem, comme estant raisonnable que celui, qui est roy de justice soit aussi Roy de paix, appelé le Saint et le juste, qui en justifiera plusieurs par la cog­noissance [Page 28]cognoissance qu'ils auront de lui, Act. 3. Esaye 53. L'eternel nostre justice, Ierem. 32 Par ce qu'en luy sont contenus tous les tre­sors de justice divine, humaine, originelle, actuelle, d'action de souffrance. Voici com­ment il est dit delui, Esay. 11. Que l'Esprit de l'Eternel reposera sur lui et que justice sera la ceinture de ces reins, et fidelite la ceinture de ses flancs. Apres suivent les doux effects de la paix, qu'il a introduite au monde, le loup habitera avec l'agneau, le leopard gistera avec le chevreau, Et caet. Dieu pour nous donner paix a fait justice en la personne de son fils, et reconcilié le monde á soy en faisant la paix par le sang de la croix d'ice lui: en luy nous avons redemption par son sang assavoir re­mission des pechez, et Dieu l'a de tout temps proposé pour propitiatoire, par la foy au sang dicelui, et par son propre sang il nous a obtenu une redemption eternelle; et pourtant cette grace est quel­quefois appellee la justice de Dieu de foy en foy selon qu'il est escrit, Le juste vivra de Foy, 1 Cor. 3. Maintenant la iustice de Dieu est manifestee sans loy, á laquelle il est rendu tesmoignage par la loy, er par les Prophetes: C'est á cette Iustice de [Page 29] Christ que nous devons la paix et la recon­ciliation, que nous avons avec Dieu. Etans justifiez par foy, nous avons paix envers Dieu nôtre pere par notre seigneur. I. C. Rom. 5.

De cette mesme justice procede la paix de la conscience, car celui qui par la justice de Christ possede la grace er l'amour de son Dieu qu'a-il a craindre? Le mechant fuit sans qu'on le poursuive, mais le juste est as­seuré comme un Ieune lion. Proverb. 28. Ceque Dieu a dit á Abraham, il le dit á tous ses enfants de la promesse, ne crain point ie suis ton bouclier et ton loyer tres­abondant, Gen. 15. Ceux de qui Dieu, est bouclier que pourront ils craindre? ceux des quels il est loyer que pourront ils plus desirer? Or, à ne rien craindre, et à ne rien desirer cōsiste cette paix, ce repos de l'ame: en vain jadis tant recerché par les Sages du siecle. Ce que J. C. a dit á ses Apost­res, il entend qu'il soit pris par tous ceux, qui ont creu en luy, par leur parole. Petit troupeau ne crain point, car le bon plaisir du pere a éti de vous donner le royaume.

J. C. nous ayant delivrez de la maledicti­on de la loy nous a obtenu l'esprit d'adop­tion, par léquel nous sommes recreez á l'i­mage [Page 30]de Dieu, qui consiste en vraye sainte­té et justice, et cet esprit est un esprit d'a­mour, et en l'amour il n'y a point de dis­corde: les mèchants ne la peuvent avoir, il n'y a point de paix pour eux; ils sont comme la mer, qui est en tourmente, qui jette la bourbe et le limon. Et ceux, qui couverts de la justice de Christ imputee, sentent en eux par l'efficace de l'Esprit les fruits de la justice inherente, par les arres de laquelle leur vocation est rendue ap­prouvee, possedent vrayement cette parx, qui les met au dessus de tous les troubles du monde, qui leur fait regarder d'un oeil de mepris ses attaques, et avec saint Paul defier hardiment toutes les puissances en­nemies. Qui intentera accusation contreles eleus de Dieu? Dieu est celui qui ju­stifie. Qui est ce qui condamnera? Christ est celuy qui est mort et qui plus est, est re­suscité; qui nous separera de la dilection de Christ? Sera-ce oppression, ou angoisse, ou famine, ou persecution, ou nudité, ou peril, ou espee? Iesuis asseuré que ni mort, ny vie, ni Anger, ui principautez, ni puissance, ni theses presentes, ni choses á venir, ni hau­tesse, ny profondeur, ne nous pourra separer de la dilection, que Dieu nous á montreé [Page 31]en J. C. nostre Seigneur. Rom. 8.

La paix exterieure en ce point de son origine n'est point d'autre nature, que les autres, et l'heure, qui me presse ne me donne point loisir de m'escarter dans la ge­neralité. Celle, pour laquelle nous ren­ [...]ons graces á Dieu, a sa racine dans la [...]stice du Roy, qui a voulu qu'on punist [...]es perturbateurs du Parlement, qui a fait [...]loir les loix contre eux: Et du peuple [...]scossois, auquel on peut donner cette lo­ [...]nge rare, et peut erte unique dans les [...]istoires, qu'ayans eu long temps les [...]rmes en la main, meres de la licence, [...]ourisses de l'insolence, ennemies de la [...]stice, il a conserué egalement inviolable [...]a paix, la justice, et la moderation. Que este-il donc, sinon comme nous avons dit [...]u commencement que nous tenions ce [...]uit conjoint avec sa plante, et si nous [...]ouvons belle, douce, et agreable la paix, [...]e nous cultivions soigneusement la ra­ [...]ne, qui la produit: que par une, serieuse [...]epentance nous revenions tous, et nous [...]nions aux sentiers de justice. Il y a [...]ande paix pour ceux, qui observent la [...]y de Dieu. Mais icy que dirai-je, de [...]elles esperances vous res-jouiray-je? [Page 32]Cette paix doit estre d'autant plus agrea­ble qu'elle vient comme devant la guerre, et qu'elle en previent les malheurs, elle semble nous donner assez de subject de vous convier à vous en esjouir. Mais quel rabat-joye m'est ce, quand je tourne mes yeux dessus l'injustice des hommes, et que jene peux voir cù elle puisse s'enraciner; j'appele aujourd'huy vos consciences à tes­moin si nous ne pouvons pas faire la plain­te que faisoit, Esa. C. 59. La main de l'Eter­nel n'est pas r'acourcie qu'elle ne puisse deliv­rer, ni sonoreille appesantie qu'elle ne puisse ouir. Mais n'est il pas à craindre que vos iniquitéz facent encores separation entre vous, et vôtre Dieu, vos mains ne sont elles pas soüillees de sang, et vos doigts d'ini­quité? Vos levres proferent mensonge, et vos langues perversité. Il n'y a personne, qui crie pour la justice; il n'y a personne, qui debate pour la verité, on se fie en cho­ses de neant, et on parle de vanité: on con­goit travail, on enfante tourment: la plus part des hommes de ce siecle courent au mal, et se hastent pour epandre le sang: Degat et froissure est en leurs voyes, ils ne cognoissent point le chemin de Paix, et en leur ornieres il n'y a point de jugement, pour­tant jugement a est è reculé enarriere et ju­stice [Page 33]s'est tenue au loin, veritè est trebuchee [...]es rues et droiture n'y a peu entrer. De fait où est ce, que nous la pourrons trouver? Le debonnaire est peri de dessus la terre, il n'y a point de droiturier parmi les hommes, ils sont tous aguettans apres le sang, un cha­cun chasse apres son frere avec le filè, le plus homme de bien d'entre eux est comme une ronce, et le plus grand droiturier prie qu'une haye d'espines, Mich 7. Les grands en font, comme on dit que fit jadis un Cardinal Romain de son fi [...]è, tandis qu'il fut Cardi­nal il n'a voit point autre nappe, m [...]is apres que par une belle monstre d'humilitè, d'au­steritè, et de modestie, il se fut insinuè dans la bonne opinion des autres, et fut por [...]è au siege Papal, lors que ses gens voulurent estendre son flié sur la table, il leur dit, o­stez le fi [...]é, j'ay pris ce que je voulois pren­dre; je larsse à ceux, qui ont veu et remar­qué les affaires d'en faire l'application. La trouverons nous parmi les Ecclesiastiques? certes ce seroit à eux de savoir les droits de l'eternel, de dire au peuple, c'est icy le che­min cheminez y; c'e soit à eux à cultiver cette plante par exhortations par admoni­tions, par remonstrances paissans le trou­peau de Christ, non point comme ayant [Page 34]domination sur l'heritage du Seigneur; mais se monstrans eux mesmes pour Pa­trons de justice; mais ils ont voulu avoir plus d'authorité que leur maistre, qui dit de soy qu'il estoit venu pour servir, et non pour estre servi: et qui ne vouloit pas seu­lement s'entremettre du partage des deux freres; non contents de l'exhortation, ils ont voulu avoir en main la contrainte, et la punition. Ils ont erígé des officiaux, et comme si leurs Cours ordinaires n'estoyent pas suffi santes, il leur a falu eriger des com­missions extraordinaires, souver aignes et sans appel; c'estoit peut estre pour avec une plus grande authorité exercer, et maintenir la justice: Dieu le sait, et les plaintes, qui se font des violences, et oppressions de tant de gens, qu'ils ont fait trouver coul­pables pour une parole, et qu'ils ont empri­sonnez, eschaffaudez, et à qui ils ont fait perdre l'honneur et les biens, pendant que les Prophanes, Recusans, Blasphemateurs se porroyent sans crainte jusques à l'inso­lence: tesmoignent assez hautement qu'ex­ercer, et maintenir la justice estoit le moins de leurs pensemens. La cercherons nous dans les tribunaux? Certes, là devroit estre son siege, là devoit elle paroistre en [Page 35]son lustre: Mais dirons nous qu'elle habite là, où tant d'injustices se font sous sonnom? Où il n'en paroit rien qu'une ombre affreuse, hideuse et epouvantable, entre les mains de laquelle nul ne tombe qu'il ne soit depoüillé jusques à la chemise, et bien souvent degraissé, et escorché jusques aux os? Où les bancs, où elle s'assit sont vray­ment des bancs et des écueils, ausquels tant de bonnes maisons font naufrage, et bien souvent perissent ensemble les deman­deurs, où des biens litigieux la plus grand' part demeure és mains des juges, comme d'un navire eschouè, duquel la charge est au pillage; tellement que comme les os jadis blanchissants sur les bords des Isles des Syrenes en rendoyent l'abbord effroy­able, ainsi n'y a-il homme sage, qui ne tremble à l'approche de ces écueils signa­lez de tant, et tant de pertes.

Où est ce donc que nous la trouverons? Parmi les marchans et dans le commerce? helas! c'est l'endroit d'où elle est entiere­ment bannie, où les Monopoles, la fraude, la piperie, le mensonge, les faux serments, les banqueroutes volontaires, et un monde d'abus, et tromperies dominent: où cha­chun cerche son profit, fut ce au dommage [Page 36]de tout le public. Ici Ieremie, chap. 9. ne crieroit il point. Gardez vous un chacun de son intime amy, et ne vous fiez en aucun frere; car tout frere fait metier de supplan­ter, et tout intime amy va decevant, et cha­cun se mocque de son intime amy et no parle­on point en verité: Ils ont apris leur langues à dire mensonge, ils se tourmentent tant et plus à malfaire, leur langue est un traict de­aoché, elle profere fraude: chacun a la paix en sa bouche avec son intime amy; mais au dedans il dresse des embusches. Rien ne se debite qui ne foit fraudé, rien ne se debite qu'avec fraude, si on n'est trompé en la qualité des denrees et marchandises, il faut etre bien avise pour ne l'estre point, au­poids et en la mesure; et c'est merveille, Que parmi tant de gens, qui ne font point conscience de piller le public, il faudroit avoir de bons yeux pour y avoir un Publi­cola. A voir si peu de justice ozeroy-je vous promettre longueur, et fermeté de Paix? Ne nous abusons point, si nous con­tinuons en nos iniquitez, de cette mesme paix, dont nous nous es-jouissons aujourd­hui, Dieu est puissant assez de nous faire naitre subjects de discorde, de ruine, et de larmes.

Prevenons donc son ire par nôtre repen­tance; nous n'avons que trop servi à ini­quité, au monde, et à la chair, pour en moissonner corruption et misere, semons doresenavant á justice, et moissonunons á gratuité, acoutrons nous des guerers; car il est temps de requerir l'eternel, tant qu'il vienne nous faire pleuvoir la justice, Osee, 10. Lavès vous, purifiez vous, et cessez de malsàire, apprenez à bien saire, cerchez droi­ture, redressez celui, qui est foulé, faites droit á l'orphelin, debatez la cause de la vef­ve, Esai. 1. Et l'eternel vous traitera alli­ence avec les bestes de la terre, et avec les oiseaux des cieux, et les reptiles, et briser [...] pour jetter hors du pais l'are, et l'espee, et la guērre, et vous fera dormir en seureté, Osee, 2.18.

Pour sin permettez que Ie vous donne l'advis de Daniel á Nabuchodnozor. Rom­pez vos pechez par justice, et vos iniquitez en faisant misericorde auxpovres. Co sera un allongement à vostre prosperité, Dan. 4.27 Quels sacrifices en ce jour solennel d'acti­on de graces sauriez vous presenter á Dieu, qui lui soient plus agreables; ne mettez en oubli la beneficence et communication; car Dieu prend plaisir à tels sacrifices, [Page 38] Heb. 13. Gette liberalité en l'ecriture est qualifiee du nom de Iustice; Il a donnè, il a epars, et sa justice demeure eternelle­ment, Pseaum, 112.9. Et faites-le gaye­ment asseurez que celuy qui fournit de semence au semeur vous pourvoira de pain à manger, et multipliera vostre semance et augmentera le revenu de vostre justice. A luy soit gloire à jamais. AMEN.

FIN.

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