L'EXECVTION DE IVSTICE FAICTE EN ANGLETERRE, POVR MAINTENIR la Paix publique & Chrestienne, con­tre les autheurs de sedition, adherens aux traistres & ennemis du Royau­me: sans aucune persecution contre eux esmeuë, pour matiere de relegiō, comme il a esté faucement aduancé & publié, par les fauteurs & nour­riciers de leurs traisons.

Descrite premierement en Anglois, puis tradui­te en langue Françoise, en faueur des au­tres nations & personnes, qui ont l'vsage d'icelle.

Le 30. de Ianuier 1584. Et du regne D'ELI­ZABETH, par la grace de Dieu heu­reusement regnante L'AN 26.

L'EXECVTION DE IVSTICE FAITE EN ANGLE­terre, pour maintenir la Paix publique & Chrestienne, contre les au­theurs de sedition, &c.

CA ESTÉ, Tous malfai­cteurs deguisent leurs actions par causes contrai­res. pour la plus part, en tous aages & tou­tes regions, vne pratique commune à tous mal-fai­cteurs, tant grans que pe­tis, de defendre leurs a­ctions meschantes & ille­gitimes, par faucetez, en coulourāt & couurant leurs faicts, pour detestables qu'ilz fussent, auec pretences d'autres causes de contraires opera­tions & effects: & ce pour non seulement eui­ter punition & deshonneur: mais continuer, soustenir & poursuyure leurs meschans atten­tats, & ainsi plainement satisfaire à leur desor­donnez & malicieux appetis. Et comme telle ait esté la pratique de tous malfaicteurs, Les Rebelles couuent leurs malefices, auec tresgrand dom­mage. neant­moins de nuls auec plus grand danger, que des Rebelles & Traistres à leurs legitimes Prin­ces, [Page 4] Rois & patries. De laquelle sorte, en ces dernieres années sont, entre autres, remarca­bles, aucuns naiz naturellement subiects des Royaumes d'Angleterre & d'Irelande, lesquels, ayans assez longs temps exterieurement pro­fesse leur obeissance, vers leur souueraine Da­me la Royne Elyzabeth, ont neantmoins par­apres esté excitez & seduis par des mauuais es­prits, premierement en Angleterre par main­tes annees cy deuant, Rebellion en An­gleterre & Ir­l [...]nde. puis en second lieu n'a­gueres en Irlande, pour entrer en rebellion ouuerte, prenans les armes & se mettans aux champs contre sa Maiesté & ses Lieutenans, a­uec leurs forces, soubz enseignes desployées, & induisans par faucetez notables, beaucoup de simple peuple à les suyure & leur assister, en leurs proditoires entreprinses. Et encores qu'il soit tresbien cogneu, que leurs dessains & a­ctions manifestes, tendoyent à deposer la Ma­iesté de la Royne de sa couronne, & par traison, colloquer quelque autre à leur gré, en sa place: (A quoy si on n'eust resisté promptement, ils eussent commis beaucoup de sanglans meur­tres, des fidelles subiects de sa Maiesté & ruiné le païs de leur naissance. Les Rebelles vainous par le pouuoir de la Royne.) Toutesfois, par la puissance que Dieu à donné à sa Maiesté, ilz furent si soudain vaincus, que peu d'iceux en patirent selon les Loix, comme ilz auoyent [Page 5] merité: plusieurs & la plus grand part, receu­rent pardon en confessant leurs fautes: Aucuns des Re­belles fugitifzen pays estranges. le reste (mais peu) des principaux s'enfuirent és païs estrāges. Or la pource qu'en nuls ou peu d'en­drois, les rebelles & proditeurs de leurs Prin­ces naturels & patrie, n'osent de prime face re­querir confort & ayde, pour leur traisons: ces traistres & rebelles signalez, ont faucement in­formé plusieurs Rois, Princes & Estats, & no­tamment l'Euesque de Rome communement appelé le Pape (duquel eux tous ont eu secret­tement leur premiere assistance en leurs rebel­lions) que la cause de leur fuite hors de leur païs, Les Rebelles pre­tendent la reli­gion pour leur defence. estoit pour la religion Romaine & pour maintenir l'authorité du Pape. Et neantmoins plusieurs d'entre eux, pour la pluspart de leur vie, deuant leur rebellion, viuoyent si notoi­rement hors de toute reigle, soit pour l'hon­nesteté des meurs, soit pour le sentiment de quelque religion, qu'ilz pouuoyent plustost estre comptez entre les familiers de Catilina, ou mignons de Sardanapalus, que bons sub­iects de quelque Prince Chrestien. Comme pour exemple des chefs de ces rebelliōs, Char­les Neuill Comte de VVestmerland s'en est fuy d'Angleterre, homme entierement gasté par dissolution de vie, & par punition Diuine mesme au temps de sa rebellion, priué de ses [Page 6] enfans qui luy deuoyent succeder au Comté & duquel le corps est maintenant māgé d'vl­ceres, pour causes infames: tellement qu'au rapport de ses propres complices, nul de ses ennemis, ne luy pourroit desirer punition plus honteuse: perte lamentable pour le Royaume, en vne si noble maison, qui parcy deuant en aucū aage, ne fut oncques atteinte de desloyau­té. Et hors d'Irlande s'est euadé vn certain Thomas Stukeley, Chefs des Re­belles Charles Neuill Comte de Westmerland & Thomas Stuke­ley. personnage diffamé pres­que par toute la Chrestienté, & plustost vne beste sans foy, qu'vn homme, s'en estant fuy premierement d'Angleterre pour ses piracies signalees, & d'Irlande pour faucetez irremisi­bles, lesquels deux, menoyent la danse du reste des rebelles, I'vn pour l'Angleterre, l'autre pour d'Irlande. Mais nonobstant la vie notoi­rement mauuaise & meschante, d'eux & de leurs autres confederez, vuides de toute reli­gion Chrestienne, il à pleu à l'Euesque de Ro­me, comme en faueur de leurs traisons▪ non de coulorer leurs fautes (comme eux ouuertemēt pretendēt faire, pour euiter le blasme commun du monde,) mais du tout les animer à conti­nuer leur premier meschant desseing, c'est à di­re, à prendre les armes contre leur Royne le­gitime, inuader son Royaume auec forces e­strangeres, & poursuyure tous ses bōs subiects [Page 7] & leur propre païs, au feu & à l'espee. Pour l'auancement desquelles choses, il auroit quel­ques annees au parauant à diuerses fois, proce­dé, comme en tonnant, Effect de la Bul­le Papale contra la Royne d'An­gleterre. par Bulles, Excommu­nications & autres escris publiques, denon­cant sa Maiesté, qui est Royne legitime consa­cree & seruante de Dieu, n'estre point Royne de ce Royaume: chargeant & commandant sous peine d'excommunication, à tous ses sub­iects, se departir de leur naturelle obligation, à laquelle, de naissance & de sermēt ils estoyent obligez: prou [...]quant aussi & authorizāt tou­tes personnes, de tous degrez, dans l'vn & l'au­tre Royaume, à se rebeller. Or sous cest adueu d'Antechrist, contraire à toutes loix diuines & humaines, & nullement conuenable à vn pasteur, non seulement toute la racaile des sus­dicts traistres desia fugitifs, mais aussi tous les autres qui ont abandonné leur propre païs, de diuerses qualitez & conditiōs, aucuns n'ayans moyen de viure chez eux qu'en mendiant, au­cuns malcontens par defaut de preferences, a­pres lesquelles ils alloyent baaillans indigne­ment, tant aux vniuersitez qu'autres places, au­tres, marchans banqueroutiers, autres, aucu­nemens doctes à contentions, n'estans contens d'apprendre l'obeissance aux loix du païs: tels di je, courans plusieurs annees, hault & bas, & [Page 8] de païs en païs, ont pratiqué, l'vn en vn coin l'autre en l'autre, les vns s'employans à cercher forces & argent, autres, à l'instigatiō des Prin­ces, par faux rapports, pour faire guerre à leur propre patrie: autres, à pratiques au dedās, pour assassiner LA PLVS GRANDE: Praticques des traistres & Re­belles fugitifz pour executer la Bulle. aucūs, en escris seditieux, & grand nombre, de n'agueres, en libelles diffamatoires, plains de meschantes inuectiues & mēsonges empoisonnez: le tout, pour maintenir le decret Antichristian & ty­rannique, de la Bulle du Pape. Seminaires eri­gez pour nourrir les seditieux fu­gitifz. Outreplus, à fin par autres moyens d'auancer leurs intentions, pource que promptemēt ilz ne pouuoyent pas preualoir par voye de force, trouuans les Prin­ces estrangers mieux aduisez, & mal enclins à leurs peruers desseings, il fut par eux proiecté, de dresser certaines escholes, qu'ils appellent Seminaires: à fin de nourrir & esleuer per­sonnes naturellement disposees à seditiō, pour continuer cette course & façon, & se faire mai­stres Semeurs en leur labourage de sedition: Et lors, les enuoyer en Angleterre & Irlande, Royaumes de sa Maiesté, couuers des masques les vns de prestrise, les autres, d'ordres in­ferieurs, auec titres de Seminaires, pour les moindres, & de Iesuites, pour les principaux & plus corrumpus. Mais encores, ils rampe­rent si finement au païs, qu'ilz n'apporterent [Page 9] point les marques de leur prestrise auec eux: mais en diuers coings des Seigneuries de sa Maiesté, ces Seminaires, ou Semeurs & Iesui­tes, portans auec eux certaines babioles de Rome, comme de leur saincte Cire, leur Agnus Dei, leurs graines, & diuerses sortes de chap­peletz, & choses semblables, Les Seminaires fugitifz coulent au Royaume, pour induire le peuple d'obeir à la Bulle du Pa­pe. ont, comme bons laboureurs, trauaillé à persuader le peuple se­crettement, d'aduoüer la susdite Bulle & de­cret du Pape, & son authorité absoluë sus tous Princes & Contrees, & esmeu plusieurs auec pointures de conscience, à y rēdre obeissance. Par lesquels moyens, en peu de temps, si ce meschant, dangereux, traistre, & cauteleux progrez, n'eust esté, par la bonté de Dieu, des­couuert & retardé, dela fust ensuiuy vn dan­ger imminent, d'horribles seditions en ces Royaumes, auec vne sanglante & certaine de­struction, d'vn grand nombre de Chrestiens. Car il ne se peut nier, qu'autant qu'il y en eust eu d'induicts & entierement persuadez, d'o­beir à ce meschant decret des Papes, & au con­tenu d'iceluy, ilz n'eussent esté cōsequemment, en leurs coeurs & consciences, traistres secrets: & pour estre defaict coupables & traistres ou­uers, rien ne leur eust defailli que l'oportunité, pour esprouuer leur force, & s'assembler en grand nombre auec armes, selon qu'ilz ont [Page 10] peu presumer d'estre le plus grand parti: & ainsi par vne guerre ciuile ouuerte, paruenir à leurs meschans desseings. Mais la bonté de Dieu, par laquelle les Rois gouuernent, & par le soufle duquel les traistres sont commune­ment destruits & confondus, à d'autrepart donné à sa Maiesté, comme à sa chambriere & chere seruante, qui gouuerne soubz luy, l'e­sprit de sagesse & de force: Semeurs de sedi­tion prins, con­demnez & exe­cutez pour trai­son. par lequel elle à pourueu, que aucuns de ces seditieux Semeurs de rebellion, ayent esté descouuers en leurs se­crettes tasnieres, apprehendez, & conuaincus és precedens poincts & chefz de traison, sans entremise aucune és matieres de religion, ains purement & simplement ont esté condamnez selon les loix, comme traistres. Auquel temps, bien qu'on ait employé toutes manieres & voyes douces de persuasion, pour les esmou­uoir à desister de telles desloyales entreprises & opinions, auec offre de grace & pardon: neantmoins le chancre de leurs humeurs re­belles, estoit si profondement entré & enraci­né ez coeurs de plusieurs d'iceux, qu'ils nevou­lurent estre distraitz de leur traistresses reso­lutions. Et pourtant comme traistres mani­festes, en maintenant & adherant au capital ennemy de sa Maiesté & de sa couronne, qui non seulement à esté cause de deux rebellions [Page 11] desia passees en Angleterre & Irlande: mais en ce faict d'Irlande, à manifestement gagé & maintenu des Capitaines & soldats d'entre ses subiectz, soubz la banniere de Rome, contre sa Maiesté, tellement qu'aucun ennemy ne pourroit faire d'auantage. Tels, di-je, ont iuste­ment souffert la mort: non en vertu ou par la formalité de quelques loix nouuellement esta­blies, soit pour la Religion, ou contre la pri­mauté du Pape, commeles semeurs de libelles diffamatoires le voudroyent faire croire: mais par les anciēnes loix politiques du Royaume: & nommement par les ordonnances du Par­lement, Les traistres se­ditieux condam­nez par les loix Anciennes du Royaume, faictes 200. ans sont passez. tenu au temps du Roy Edvvard troi­siesme, enuiron l'an du Seigneur 1330. ily a enuiron 200. ans passez & plus, quand les E­uesques de Rome & Papes, furent souffers a­uoir leur authorité ecclesiastique en ce Roy­aume, comme ils auoyent en plusieurs autres contrees. Mais encore de certe espece de mal­faicteurs, autant qu'il y en a eu qui apres leurs condemnations, Personnes con­damneés, & no [...] executeés, pour auoir reietté leurs opinions de traison. ont esté contens de renoncer à leurs precedentes proditoires assertions, au­tant y en a il eu despargnez de l'execution, qui viuent encores iusques à ce iour: tant a esté la volonté de sa Maiesté, eslongnée de l'effusion du sang, hors mis ceste vrgente, iuste & neces­saire cause, & encores ne procedant que deux- [Page 12] mesme. Les traistres de dehors cōtinuent d'enuoyer gens au Royaume, ponr esmouuoir sedition. Et neantmoins ces reliques de trai­stres, qui demeurent és païs estranges, conti­nuans tousiours en leur propos de rebellion, & se gardans finement esloignez des coups, necessent de prouoquer plusieurs autres seditieux de petite qualité, à se couler secrettement en ce Royaume, pour renouueler les premieres pratiques seditieuses, par l'executiou des pre­cedentes Bulles des Papes, contre sa Maiesté & le Royaume. Or ceux-cy quand ils sont ap­prehendez, alleguent qu'ilz sont seulement ve­nus en ce Royaume, par le commandement de leurs superieurs, les chefz des Iesuites, (aus­quels ilz se disent obligez par serment, enuers tous, & contre tons, soyent Roys, soyent con­trees:) & ce pour informer & reformer les cō ­sciences des hommes de leurs erreurs, en cer­tains poincts de la religion, selon qu'ilz pen­sent estre conuenable. Mais neantmoins, en pure verité, il se prouue clairement que tout le but de leurs secrets trauaux, tend secrette­ment à gaigner le peuple, auec lequel ilz osent traiter, pour tellemēt faire approuuer lesdictes bules & l'authorité du Pape, sans exception, qu'en obeissant à icelles, ilz se tiennent du tout deschargez de leur obligation & obeissance, enuers leur legitime Princesse & patrie: voire pour s'estimer bien garantis de prendre les ar­mes [Page 13] & se rebeller contre sa Maiesté, quand ilz y seront conuiez: & pour estre secrettement prestz à se ioindre aux forces estrangeres, qui pourront estre solicitées à inuader le Royau­me: En quoy aussi par vn long temps, il leur ont donné, comme encores ilz font, pour a­uancer leurs desseings, Les seditieux fu­gitifz trauaillēt pour amener le Royaume on guerre externe & domestique. esperance non petite de bon succes. Ainsi, il s'ensuit, que l'effect de leur trauail, est, d'amener le Royaume non seulement en vne guerre dangereuse, contre les forces estrangeres (desquelles il a esté libre enuiron vingt & trois, ou vingt & quatre ans, cas fort memorable & malaisé d'estre egallé à aucun exemple semblable:) mais aussi en guerre domestique & ciuile, en laquelle, cou­stumierement, nul sang n'est espargné, ny mercy concedéc: & où, ny le vainccur, ny le vaincu ne peuuent auoir iuste cause de triomphe.

Or pource que ce sont treseuidens perils, qui necessairemēt s'ensuyuroyent, si cette espece de vermine, estoit soufferte ramper furtiuement en ce Royaume, & y espandre son poison. Toutes les fois questans prins, comme hypo­crites ils coulorent & desguisent leur faict, a­uec profession de deuotion en religion, c'est à toutes personnes de ceder à la raison: à sçauoir que sa Maiesté & ses Gouuerneurs & Magi­strats [Page 14] en la Iustice, Le deuoir de la Royne, & de tous ses bons gouuer­neurs enuers Dieu & leur pa­trie, est de re­pousser les prati­ques de rebellion. ayans soing de maintenir la paix du Royaume (laquelle Dieu à concedé en son regne continuer plus longuemēt, qu'en aucun autre temps de ses predecesseurs) sont obligez de deuoir enuers le Dieu tout-puis­sant, autheur de paix, & selon le naturel amour & obligation à leur patrie, & pour euiter l'ef­fusion de sang qu'on voit courir & flotter es guerres ciuiles, d'empescher & repousser, par tous possibles & legitimes moyens, aussi bien par l'espée que par la loy, chacune en leurs sai­sons distinctes, ces tant dangereuses & fardées pratiques & effects de sedition & rebellion. Mais combien qu'il y ait plusieurs subiectz cogneuz en ce Royaume, differēs en quelques opinions de religiō, d'auec l'Eglise Anglicane, & qui ne sabstiennent d'en faire profession, neantmoins, entant qu'ils professent aussi loy­auté & obeissance à sa Maiesté, & s'offrent a­laigrement pour la defence de sa Maiesté, de s'opposer & resister à toute force estrangere, bien qu'elle vint ou fust procurée par le Pape mesme: Nul n'a esté chargé de crime capital, estant contraire en re­ligion: mais pro­fessant de resi­ster aux forces estrangeres. nuls de cette sorte, pour leurs opinions contraires en religion, ne sont poursuyuis ou chargez d'aucuns crimes ou paines de traison, ny encores recerchez en leurs cōsciences, pour leurs opinions contraires, ne resentantes rien de la traison. Et de cette sorte il y a eu & y a [Page 15] bon nombre de personnes, non de bas & vul­gaire estat, comme estoyent ceux qui de n'a­gueres ont esté executez: ainsi qu'en particu­lier aucuns sont bien cogneus, nom par nom, desquels il n'est hors de propos, de faire icy mention.

Le premier & principal en estat, estoit D. Heth, Noms de diuer­ses personnes d'Eglise qui pro­fessans religion contraire, n'ont onques esté char­gez de crimos capitaux. Archeuesque d'Yorke & seigneur Chan­celier d'Angleterre, au temps de la Royne Marie: lequel au premier aduenement de sa Maiesté à la couronne, se monstrant fidelle & paisible subiect, coutinua en l'vn & l'autre des­dicts offices, encores qu'alors il fust manifeste­ment different en religion, & oncques ne fut restraint en sa liberté, ny priue de ses biens & possessions: mais laissant voluntairement ses deux estats, à vescu en sa propre maison fort discretement, iouissant de toutes ses terres ac quises, tout le cours naturel de sa vie, iusques à ce qu'en grand aage il est departi du monde: & lors à laissé la maison & ses reuenus a ses a­mis: exemple de courtoisie, qui ne trouue son pareil au temps de la Royne Marie.

Le semblable fut faict enuers vn D. Poole, qui a esté Euesque de Peterbourough, vn au­cien graue personnage, & subiect fort paisible. Il y en a eu aussi, qui ont esté Euesques & en grand renom, comme le D. Tunstall Euesque [Page 16] de Duresme, personnage de grande reputa­tion, &, tout le temps qu'il à vescu, d'vn paisi­ble comportement. Autres en cas pareil ont esté, comme le D. VVhit, & le D. Oglethorpe, l'vn Euesque de VVincester, l'autre de Carlile, hommes d'vne nature benigne, & celuy de Carlile, tellement enclin à vn franc deuoir en­uers la Maiesté de la Royne, qu'il fit l'office en la consecration & couronnement de sa Maie­sté, au temple de VVestminster. De ce rang sont le D. Turleby, & le D. VVatson, l'vn Eues­que d'Ely, homme d'vn naturel affable, l'autre de Lincolne, encores viuant, & du tout rebar­batif: ausquels, peut estre adiousté, vn Tur­beruile, lors Euesque d'Exceter, honeste gen­til-homme, mais tout simplement Euesque, qui à vescu en sa liberté, iusques à la fin de sa vie. Or nuls deux tous n'ont esté aucunement pressez par aucune paine capitale, combien qu'ilz maintinsent l'authorité du Pape, contre les Loix du Royaume. Il y en a aussi aucuns Abbes, comme M. Fecknam encores viuant, personnage semblablement paisible, & d'vn comportement honeste par vn long temps. Autres ont esté Doyens, comme le D. Boxall Doyen de VVindesore, personnage de grande modestie & science: D. Cole Doyen de Sainct Paul, homme plus diligent que discret: D Rai­nols, [Page 17] homme non indocte Doyen d'Exceter, & plusieurs autres tels, ayans eu charges & di­gnitez en l'Eglise, & qui auoyent faict profes­sion d'estre cōtraires au Pape, laquelle ils com­mencerent au temps de la Royne Marie à chā ­ger. Et neantmoins iusques à ce iour ilz n'ont esté chargez d'aucunes paines capitales, ny oncques priuez d'aucuns de leurs biens & fa­cultez, mais seulement eslongnez de leurs e­stats Ecclesiastiques, qu'ils ne vouloyent exer­cer selonles loix. Mesme la pluspart d'entr'eux, & plusieurs autres de mesme qualité pour vn long temps, furent laissez és maisons Episco­pales, auec treshoneste & courtois entretene­ment, sans aucune charge deux ou de leurs amis, iusques au temps, que le Pape commen­ça, par ses Bulles & messages, de troubler ce Royaume, y excitant la rebellion. Enuiron lequel temps seulement, aucuns des susdicts, estās trouuez s'entremesler en affaires d'estat, tendans à esmouuoir sedition, plus qu'il n'e­stoit expedient pour le repos commun du Royaume, furent chāgez en autres places plus priuées, ou certains vagabons, hommes qui seroyent pour esmouuoir seditiō, fussent em­peschez d'aller & venir vers eux, pour accroi­stre le trouble, comme la Bulle du Pape don­noit manifeste occasion d'en d'oubter. Et en­cores [Page 18] ce fut sans les charger aucunement en leurs consciences ou autrement, par quelque inquisition, qui les amenast en danger de quel­que loy capitale. Tellement que nul n'a esté appellé en proces criminel & sanglant, sur les poincts de religion, mais tous ont passé leur vie selon le cours de nature. Et tels d'entreux restent encores, qui peuuent (s'ils ne veulent estre autheurs ou instrumens de rebellion) iouïr des ans que Dieu & nature leur conce­deront, sans aucun danger de la vie ou de per­te d'aucun membre.

Et encores est-ce chose digne d'estre bien remarquée, Les derniers fauteurs de l autho­rité du Pape en estoyent les prin­cipaux aduersai­res par leur do­ctrines & escris. que les principaux deux tous & la pluspart d'iceux, auoyent au temps des Roys Henry huictiesme, & Edvvard sixiesme, en leurs presches, escris, leçons & disputes, ensei­gné tout le peuple, de condemner voire d'ab­horrer l'authorité du Pape: & à cette fin ils a­uoyent diuerses fois presté leurs serment pu­bliquement, contre l'authorité du Pape, & a­uoyent aussi attribué aux deux Roys susdicts. le titre de chef supreme de l'Eglise Anglicane, immediatement aprez Christ: lequel titre les aduersaires escriuent & afferment tres-fauce­ment, estre vsurpé à present par la Maiesté de la Royne, mensonge & fauceté tres-facile à co­gnoistre par les propres Actes du Parlement, [Page 19] & par l'omission qui s'en est faicte en son stile depuis le commencement de son regne.

Et pour preuue que les susdicts Euesques & hommes de lettres, ont si long temps des­auoüé l'authorité du Pape, plusieurs de leurs Liures & Sermons touchant ce poinct, restent imprimez, tant en Anglois qu'en Latin, pour estre veus en ce temps à leur grand honte & diffame, en ce qu'ils se transformēt si souuent, mesmement en persecutant ceux qu'eux-mes­mes auoyent enseignez, & confirmez à tenir le contraire: peché non eslongné du peché contre le sainct Esprit.

Il y a cu aussi, Grand nombre d'hommes Laiz, & de grans re­uenus estans de contraire religiō, iamais chargez de crime capital. comme encores il y a grand nombre d'autres hommes Laiz, ayans grans terres & possessions, hommes de grand credit en leurs Prouinces, manifestement n'agueres seduicts, à tenir opinions contraires en reli­gion, pour l'authorité du Pape. Et toutesfois, nul d'iceux n'a esté recerché sur cela, pour estre en peine sus quelques poinct ou accusa­tion de traison, soit de perte de vie, de mem­bres, ou d'heritage. Nul chargé de crime capital pour maintenir seulement lv pri­mauté du Pape. En sorte qu'il appert clai­rement, que ce n'est ny n'a esté pour contrai­res opinions en religion, our pour l'authorité du Pape seulement, comme les aduersaires pu­blient faucement & hardiment▪, qu'aucun à souffert mort, depuis le regne de sa Maiesté, & [Page 20] neantmoins, aucuns de cette sorte sont bien cogneus tenir ceste opinion, que le Pape par l'authorité de la parole de Dieu, doit estre su­preme & seul Chef de l'Eglise Catholique, par le monde vniuersel, pour gouuerner seul en toutes causes Ecclesiastiques: & que la Maie­sté de la Royne, ne doit auoir le gouuernement sus aucuns de ses subiects en ce Royaume, qui sont personnes Ecclesiastiques. Mais nonob­stant que telles opinions sont en quelques sor­tes punissables par les loix du Royaume, en autres degrez, si est-ce que pour nul de ces poincts, il ny a aucun qui ait esté poursuyui a­uec accusatiō de traison, ny en dāger de sa vie.

Ainsi donc, Ceux'la seuls condemnez pour traison, qui main tiennent les ef­fects de la Bulle du Pape contre le Royaume. s'il estoit enquis pour quelle cause ces autres ont nagueres enduré la mort, on peut veritablemēt respondre, comme sou­uent il a esté repeté, que nul n'a esté accusé de traison, IIII. Poincts de Traison. au danger de sa vie: sinon ceux qui maintenoyent obstinéement le contenu de la Bulle du Pape, cy dessus mentionnée, laquelle porte que sa Maiesté n'est point legitime Roy­ne d'Angleterre, qui est le chef premier & principal de traison: & que tous ses subiects sont deschargez de tous leurs sermēs & obeis­sance, qui est vn second chef de traison: & que tous sont garentis de desobeir à elle & à ses loix, troisiesme & bien ample article de trai­son. [Page 21] A quoy faut adiouster vn quatriesme ar­ticle tres-manifeste, en ce qu'ilz ne veulent des­auoüer les actes d'hostilité du Pape, en guerre ouuerte, contre sa Maiesté en son Royaume d'Irlande. La defence de la Bulle du Pape par le D. San­ders. Auquel lieu vn certain D. Sanders, de leur societé, malin escolier & subiect fu­gitif d'Angleterre, principall compagnon & conspirateur auec les traistres & rebelles à Ro­me, fut enuoyé pour commander, par speciale commission du Pape, comme en forme de Le­gat, & quelquesfois cōme receueur & payeur des bandes en ces guerres. Or ce Docteur San­ders, en son liure de la Monarchie de son E­glise, deuant qu'il passast en Irlande, auoüa ou­uertement & en brauant par escrit, la Bulle de Pius cinquiesme contre sa Maiesté, estre legi­time; affermant, ce qui estoit vray, qu'en vertu d'icelle, vn certain Docteur Morton, vicil An­glois fugitif & conspirateur, fut enuoyé de Ro­me en Angleterre, vers les quartiers du North, pour la, susciter la premiere rebellion: de la­quelle Charles Neuill, le dernier Comte de VVestmerland, estoit le principal capitaine.

Et par là, il peut apparoir clairement à tous hommes, que cette Bulle, estoit le fondement des rebellions, Ceux qui ont esté executez, ont e­sté condamnez pour Traison, & non pour Religiō. tant en Angleterre qu'Irlande: & que pour l'auoir maintenuë, & semé sedi­tion soubz l'aueu & approbatiō d'icelle, ceux­là [Page 22] furent iustement condamnez de traison, & legitimement executez, par les anciennes loix politiques du Royaume, sans charge d'aucune autre matiere, que pour leurs pratiques & cō ­spirations, tant dehors que dedans, contre la Royne & son Royaume: pour auoir defenduladicte authorité du Pape & de la Bulle, pu­bliée, pour priuer sa Maiesté de sa Couronne: pour auoir reconcilié ses subiects & iceux su­straicts de l'obeissance deuë à sa Maiesté & à leur patrie, iusques à les auoir esmeuz à sedi­tion. C'a donc esté pour telles & non pour autres causes, ou questions de religion que ceux-là ont esté condamnez. Bien est il vray, que quand ilz estoyent chargez & conuaincus de ces poincts de conspirations & traisons, ilz vouloyent tousiours en leurs responces, pre­tendre auec quelque couleur, leurs actions a­uoir esté pour la Religion: mais en effect & verité, il à paru que c'estoit pour auoir procu­ré & maintenu les rebellions & guerres, con­tre sa Maiesté & son Royaume.

Et en cela peut on vcoir vne manifeste & considerable diuersité, Difference de la verité & fauce­té. entres les actions since­res de sa Maiesté & la fauceté des calumnia­teurs aduersaires, entant qu'au lieu que le fa­ctieux party du Pape, autheur principal des inuasions contre les domaines de sa Maiesté, [Page 23] allegue faucement qu'vn nombre de person­nes qu'ilz qualifient Martyrs, sont mors pour la defense de la Religion Catholique, il se peut clairement verifier, qu'en pure verité ceux-là sont mors (s'ils le veulent ainsi) comme mar­tyrs du Pape, mais neantmoins comme trai­stres contre leur souueraine & Royne, & adhe­rans à celuy qui est le signalé & seul ouuert en­nemy, en toutes actions de guerre contre sa Maiesté, Vne pleine preu­ue que les main­teneurs de la Bulle sont dire­ctement coulpae­bles de traison. ses Royaumes & son peuple. Et que telle soir l'intention de tous ceux qui ont ob­stinéement maintenu l'authorité & contenu de cette Bulle, les propres paroles de la Bulle le declarent en cette maniere, selon que le D. San­ders mesme, le tesmoigne.

PIVS Quintus, Pontifex Maximus, de A­postolicae potestatis plenitudine, declarauit, Elizabetham, praetenso Regni iure, nec non omni & quocunque dominio, dignitate, priuile­gio (que) priuatam. Item (que) Proceres, subditos & po­pulos dicti regni, ac caeteros qui illi quomodocun­que iurauerunt, à iur amento huiusmodi ac omni fidelitatis debito, perpetuo absolutos.

C'est à dire,

Pius cinquiesme, souuerain Pontife, de plai­ne puissance Apostolique, à declaré Elizabeth, estre priuée du droict pretendu de son Royau­me, [Page 24] & aussi de toutes & chacunes Seigneuries dignitez & priuileges. Ensemble que les No­bles, subiects & peuples dudict Royaume & tous autres, qui en quelque sorte que ce soit, luy ont presté serment, sont absouz pour iamais, de tel serment, & tout autre deuoir de fidelité.

Et poursuit ainsi consequemment auec di­uerses menaces & maledictions, contre tous ceux qui oseront obeïr à elle & à ses loix.

Et pour l'execution de cela, afin de prouuer que la Bulle & message du Pape, estoit it vne pu­re Rebellion, il n'y a point de mal d'ouyr ce que le mesme D. Sanders boutefeu du Pape en Irlande, à aussi escrit en la Monarchie de son eglise visible: Qui est tel.

PIus Quintus, D. Morton secret Ambassade pour exciter la rebel­lion vers le North. Pontifex Maximus, Anno Do­mini 1569. Reuerendum presbytertem Ni­colaum Mortonum Anglum in Angliam misit, vt certis illustribus viris, authoritate Apostolica denunciaret, Elizabetham, quae nunc rerum po­tiebatur, haereticam esse: ob eámque causam, om­ni Dominio & potestate excidisse, impunéque ab illis, velut Ethnicam haberi posse, nec eos il­lius legibus aut mandatis deinceps obedire cogi.

C'est à dire,

Pius Cinquiesme, souuerain Pontife, en l'An de nostre Seigneur 1569. enuoya, le reuerend prestre Nicolas Morton Anglois en Angleter­re, [Page 25] afin qu'il denonçast ou declarast par l'autho­rité Apostolique, à certains hommes illustres, Elizabeth, qui lors estoit en possession de l'Estat, estre Heretique, & pourtant estre decheute de toute Seigneurie & puissance: & quelle peut e­stre reputée d'eux, comme Ethnique: & qu'ilz ne doyuent estre contraincts cy aprez, d'obeir à ses loix & commandemens, &c.

Ainsi voyez vous vn Ambassade de Rebel­bellion, de par la saincteté du Pape: l'Ambassa­deur vn vicil prestre Anglois, radoté, fugitif & conspirateur, enuoyé, comme il dict, à quel­ques hommes illustres: & iceux, sont, les deux Contes de Northumberland & VVestmerland Chefs de la rebellion.

Or apres cela, il poursuit à en declarer le succez, lequel (i'ozè dire) il est deplaisant, auoir esté si mauuais, Voi-cy ses termes.

Qua denunciatione, multi nobiles viri addu­cti sunt, vt de fratribus liberandis cogitare au­derent. Ac sperabant illi quidem, Catholicos om­nes summis viribus affuturos esse: verùm, etsi aliter quàm illi expectabant res euenit, quia Ca­tholici omnes, nondum probè cognouerant, Eli­zabetham Hereticam esse declaratam: tamen laudanda illorum Nobilium consilia erant.

C'est à dire,

Pàr laquelle denonciation, plusieurs illustres [Page 26] hommes furent induicts & menez à ce poinct, d'ozer penser à la deliurance de leurs freres. Or esperoyent ils certainement, que tous les Ca­tholiques leur deuoyent assister de toutes leurs forces: mais encores que l'affaire ait succedé au­trement, qu'ilz n'auoyent esperé, pource que les Catholiques ne cognoissoyent pas, qu'Elizabeth estoit declarée Heretique, Toutesfois les con­seils & propos de ces hommes illustres, estoyent à louër.

Voy-là là Rebellion & defaicte des rebel­les, bien doucement descrite.

Ce noble faict, icy descrit, fut la rebellion du North, les hommes illustres estoyent les Comtes de Northumberland & VVestneerlād, la faute en leuenement & succez, fut que les traistres furent defaictz: & que la Maiesté de la Royne auec ses subiects, curent par l'ordon­nance de Dieu la victoire. Et la cause pour­quoy les Rebelles curent du pire, fut pource que les Catholiques, n'auoyent pas esté deuë­ment informez, que la Maiesté de la Royne e­stoit declarée (comme ilz parlent) Heretique. Auquel defaut d'information, afin de rendre les rebelles plus fors en nombre & puissance, auroit esté depuis, diligemment & par grand artifice supplée, par l'enuoy d'vne grande mul­titude de Seminaires & Iesuites au Royaume, [Page 27] desquels la charge speciale estoit, d'en infor­mer le peuple, comme par leurs actions il a paru manifestement. Supplemēt propre pour corriger leurs premieres faultes.

Or combien que le D. Sanders à ainsi escrit, toutesfois les partizans des deux notables Ie­suites, l'vn nommé Robert Persons (qui se ca­che encores de coin en coin, Persons & Campion sont coulpa­ples comme le D. Sanders de l'ap­probation de la Bulle. pour continuer sesfactions de traison) l'autre nommé Edmond Campion, (lequel fut trouué deguisé comme vn voleur, & à pati pour ses traisons) pour­royent dire, que la traison du D. Sanders est propre à luy seul, par l'aucu de ladicte Bulle, & ne doit estre imputée à Persons & à Campion. Partant, pour verifier que ces deux, par spe­ciale authorité auoyent charge d'executer la sentence de cette Bulle, ces actes qui ensuiuent en feront foy, qui ne sont point contrefaictz ou imaginaires, mais sont les propres escris, prins autour de leurs complices, incontinent apres la mort de Campion: combien que le­dict Campion deuant sa mort n'a point voulu sembler s'estre mesle de tels affaires: dont il ap­pert quel credit on doit donner aux paroles de ces faux Martyrs.

FACVLTATES CONCESSAE PP. Roberto Personio & Edmundo Campiano, pro Anglia, die 14. Aprilis. 1580.

PEtatur à summo Domino nostro, Prerogatiues ac­cordees du Pape, à Persons & Cā ­pion, par le Pape Gregoire. le 13. d'Auril 1580. explicatio Bullae declaratoriae, per Pium Quintum, con­tra Elizabetham & ei adhaerentes, quam Catholici cupiunt intelligi hoc modo, vt obli­get semper illam & Haereticos, Catholicos verò nullo modo obliget, rebus sic stantibus, sed tum demum, quando publica eiusdem Bullae executio fieri poterit.

Puis ensuyuent plusieurs autres demandes de prerogatiues, pour l'auancement de leur authorité, qu'il n'est besoing de reciter, pour ce propos: mais à la fin ensuit cette resolution pour response du Pape.

Has praedictas gratias, cōcessit summus Pon­tifex, patri Roberto Personio, & Edmundo Campiano in Angliam profecturis, die 14. Aprilis. 1580. Praesente patre Oliuerio Manarco assi­stente. Lesquelles dernieres paroles signifient en François ce qui s'ensuit.

PREROGATIVES CONCE­dees aux deux peres Robert Persons & Edmond Campion pour Angle­terre. Le 14. iour d'Auril 1580.

SOit requis de nostre souuerain Seigneur, l'ex­plication de la Bulle declaratoire faicte par Pius Cinquiesme, contre Elizabeth & ses adhe­rens: [Page 29] laquelle Bulle, les Catholiques desirent estre entendue, en cette sorte, quelle oblige tousiours icelle Elizabeth & les Heretiques, mais que les Catholiques ny soyent nullement obligez, durant l'estat auquel sont maintenant les affaires, mais lors tant seulement, que l'execution de ladicte Bulle se pourra faire.

Puis à la fin, la conclusion est ainsi adiou­stée.

Le souuerain Pontife, concede les graces sus­dictes au pere Robert Persons & Edmond Campion, qoi sont sus leur voyage d'Angleter­re, le 14. iour d'Auril, l'An du Seigneur 1580. present le pere Oliuerius Manarque, pour as­sistant.

Par cecy il appert, En quelle autho­rité Campiō vint en Angleterre. qu'elle authorité Cam­pion auoit, de distribuer le contenu de la Bulle, contre la Maiesté de la Royne. Car, quelque chose, que luy, l'ait voulu denier: telle estoit la vraye cause de son voyage.

Mais combien qu'il so it manifeste, que ces deux Iesuites Persons & Campion non seule­ment ont requis d'auoir l'intention du Pape declarée, pour le regard de la Bulle, mais aussi ont monstré en leurs requestes, comment eux & les autres Catholiques desirent, que ladicte Bulle fust entendue contre la Royne d'Angle­terre: toutesfois pour rendre la matiere plus [Page 30] esclaircie: à sçauoir, comment tous autres Ie­suites & Seminaires, voire comment tous Pa­pistes qui se disent Catholiques, interpretent ou sont auouez d'interpreter ladicte Bulle, con­tre sa Maiesté & ses bons subiects, en quelque sorte qu'ils le vueillent déguiser, vous verrez ce que l'vn de leurs compagnōs nomme Hart, qui fut comdamné auec Campion, mais enco­res viuant, entre autres plusieurs choses decla­ra touchant ce qu'il cognoissoit de ce faict, le dernier de Decembre l'an 1580. en ces paro­les qui ensuiuent.

La Bulle de Pius cinquiesme (entant qu'elle La Confession de Hart, pour l'in­terpretation de la Bulle. est contre la Royne) est tenue entre les Anglois Catholiques, pour vne sentence legitime & de­charge suffisante de fidelité aux subiects, & ainsi demeure en sa force: mais en quelques poincts touchant les subiects, elle est alterée par le present Pape. Car entant qu'en ladicte Bulle il est commandé à tous ses subiects, de ne luy obeir, & quelle estant excommuniée & deposée, tous ceux qui luy obeissent sont semblablement enlacez & maudits, C'est vn poinct fort peril­leux aux Catholiques. Car s'ils obeissent à elle, ilz sont en la malediction du Pape: & s'ilz luy desobeissent, ilz sont en danger de la part de la Royne. Partant le Pape qui est à present pour les soulager, à alteré cette part de la Bulle, & [Page 31] les à dispensez pour luy obeir, & la seruir sans peril d'excommunication: laquelle dispensation naura vigueur, sinon iusques à ce qu'il plaise au Pape, d'en determiner autrement.

Parquoy, Conclusion que tous les liures diffamatoires cō ­tre sa Maiesté & le Royaume sont faux. pour faire quelque conclusion des choses cy dessus mentionées, toutes per sonnes, soit dedans soit dehors le Royaume, peuuent clairement aperceuoir, que tous les libelles diffamatoires, n'agueres publiez en diuers languages, & les scandaleux rapports faicts aux cours des autres Princes, qu'vne grā ­de multitude de personnes, auroyent de n'a­gueres esté tourmentez & mis à mort, pour la seule profession de la Religion Catholique, & non pour matieres d'Estat, contre la Maie­sté de la Royne, sont faux & impudens, & pu­bliez pour maintenir les Traistres & rebelles. Neantmoins pour faire sembler la chose plus horrible & lamentable, ils recitent les noms particuliers de toutes les personnes, lesquelles n'excedent point, en l'espace de ces vingt & cinqans, le nombre de soixante. Et cependant ils oublient, ou plustost, auec leurs coeurs de pierre & stupides ne sentēt pas combiē cruel­lement au temps de la Royne Marie (qui dura peu plus de cinqans, Differēce du peu de Nombre d'e­xecutez par l'e­space de 25. ans, d'auec le grand nombre en c [...]nq ans au regne de la Royne [...]. le regne de sa Maiesté ayant continué cinq fois autant) il y eut outre ceux qui secrettemeet furent meurtris és pri­sons, [Page 32] enuiron le nombre de quatre cens, d'hōmes, femmes, filles, enfans, & de ce nombre bre enuiron vingt, lesquels auoyent esté Ar­cheuesques, Euesques, principaux Prelats & officiers en l'Eglise, qui par emprisonnemens, tourmens, famine, & feu, furent pitoyablemēt destruits: & des femmes enuiron soixante, & d'enfans quelque quarāte. Et entre les femmes aucunes grosses d'enfant, du corps de l'vne des­quelles, l'enfant fut poussé hors tout vif, par le feu, & neantmoins cruellement bluslé: exem­ples surmontās la cruaute mesme des Payens. Mais encores, la pluspart de la ieunesse qui lors souffrit mort, tant hommes que femmes & enfans (ce qui est à noter) estoyent tels, que iamais par le sacrement du Baptesme, ou par la Confirmation, ilz n'auoyent professé, ny n'auoyent esté enseignez & instruicts, ny n'a­uoyēt iamais ouy parler d'autre forme de Re­ligion, sinon de celle seule, à laquelle, par leur sang & mort, dans le feu, ilz donnoyent tes­moingnage. Matiere digne de lamentation en charité Chrestienne, auec simplicité de parol­les, non auec vne eloquence enflée, bien d'au­tre sorte, que l'execution en ce temps, de peu de traistres, lesquels aussi en leur temps, (s'ilz surpassoyent l'aage de trente ans) auoyent, en leur Baptesme professé, & en leur ieunesse esté [Page 33] enseignez en la mesme religiō, laquelle main­tenant ilz oppugnent auec telle aigreur. Mais outre cela, en leurs opinions ilz sont bien dif­ferens, des Martyrs du temps de la Royne Ma­rie. Car encores que ceux de ce temps là con­tinuassent en la profession de religion en la­quelle ilz auoyent esté baptizez, & continuel­lement enseignez: Toutesfois iamais à leur mort, ilz ne denierent leur Royne legitime, ny ne soustindrent aucuns de ses ouuers ennemis au dehors, ny ne procuterent contre elle au­cune rebellion ou guerre Ciuile, ny ne seme­rent par les cornets aucune sedition en secret, contre la vie & l'Estat de leur Princesse, ny ne retirerent aucuns subiects de son obeissance, comme ces seruiteurs iurez du Pape, ont faict continuellement.

Ainsi donc, ces choses bien considerées, il ny à point de doubte, que tous bons subiects dans le Royaume voyent manifestement, & tous ceux qui sont en balance (n'estans enco­res seduicts du tout par les seditieux) apperce­ueront cy apres, comment ilz ont esté abusez, se laissans ainsi esgarer. Et tous estrāgers, mais specialement les Potentats Chrestiens, com­me Empereurs, Roys, Princes & autres sem­blables, ayans leurs Estats Souuerains, soit par succession hereditaire, ou par consentement [Page 34] de leur peuple, estans informez de ces actions dernieres iustes & necessaires de sa Maiesté, entreprises seulement pour la propre defence de sa Personne, Aduertissement à tous Princes estrangers. de sa Couronne & de son peu­ple, contre l'inuasion ouuerte, & pour euiter les guerres Ciuiles, excitées par rebelliō: Eux di-je, auouëront, en leur propre faict sembla­ble, pour verité & regle (car c'est sans doubte qu'ilz le feront) qu'il n'appartient point à l'E­uesque de Rome, comme successeur de Sainct Pierre, & en cét esgard Pasteur spirituel, ou, (s'il l'estoit,) cōme Euesque de toute la Chre­stienté (ainsi que par le nom de Pape▪ il se re­clame) premierement de deposer par ses Bulles ou Excommnnications, en cette sorte & à son plaisir, en faueur des Traistres & Rebelles, au­cuns Princes Souuerains, estans legitimemēt iuuestis de leurs couronnes, par Succession de sang ou par Election legitime: & puis armer les subiects contre leurs naturels Seigneurs, pour faire guerre & les dispenser en ce faisant de leurs sermens: ou bien d'excommunier les subiects fidelles pour l'obeissance deuë à leurs Princes naturels, & finalement, luy mesme de faire guerre ouuerte, auec ses propres soldats, contre les Princes qui n'esmeuuent aucunes forces contre luy.

Car, s'il luy estoit permis d'exercer telle [Page 35] Souueraine & Tragique puissance, lors il ny auroit Empire, Royaume, Païs, Cite ou Ville, possedée par aucun tiltre legitime plus long temps, qu'vn certain homme de la terre seant (comme it dit) en la Chaire de Sainct Pierre à Rome, L'authorité pre­tendue du Pape nullemēt auouée par Christ ny ses deux Apostres Pierre & Paul. & à son plaisir & appetit (sans autre adueu ny de Dieu, ny des hommes) estime­roit & decideroit estre conuenable. Authori­té qui iamais n'a fut vsurpée, par le Seigneur des Seigneurs, le Filz de Dieu, Iesus Christ nostre seul Seigneur & Sauueur, & le Chef v­nique de l'Eglise, cepandant qu'en son humanité il à esté, sus la terre: non plus aussi delaissée par aucuu escrit, ou traditiō certaine de Sainct Pierre, duquel, le Pape pretend tirer toute son authorité: ne semblablement de Sainct Paul Apostre des Gentilz. Ains au contraire, en tous presches, commandemens & escris, con­tenuz en l'Euangile & Liures des Apostres, l'obeissance à tous Princes terriens, est expres­sement commandée, voire mesme aux Roys par especiall: & cela si generalement, que nulle personne n'est exemptée d'vn tel deuoir d'o­beissance, comme il apert par la sentence de Sainct Paul, voire escrite aux Romains mes­me, Omnis anima sublimioribus potestatibus sit subdita, C'est à dire: Que toute ame soit sub­iecte aux puissances superieures. Dedās le com­pas [Page 36] de laquelle loy ou precepte, Sainct Chryso­stome, estant Euesque de Constantinople, escrit que mesme les Apostres, Prophetes, Euangeli­stes & Moynes sont compris. Et pour preuue de l'auis de Sainct Pierre sur cela, (duquel ces Papes reclament leur authorité) il ne peut estre plus clairement explique, que quand il escrit ainsi: Proinde subiecti estote cuiuis humanae or­dinationi, propter Dominum, siue Regi, vt qui superemineat, siue praesidibus ab eo missis, C'est à dire: Parquoy soyez subiects à toute humaine ordonnance, à cause du Seigneur, soit au Roy cō ­me au superieur, soit aux Gouuerneur [...] par luy enuoyez. Par lesquels deux principaux Apo­stres de Christ, mais sus tout parce que Christ le Filz de Dieu, seul Maistre de verité, dit à Sainct Pierre & à ses compagnons Apostres, Reges gentium dominantur, vos autem non sic, c'est à dire, Les Rois des Gentils ont gouuerne­ment sus eux, mais vous non pas ainsi. Ces Pa­pes, leurs pretendus successeurs, peuuent ap­prendre de reietter leurs arrogantes & tyran­niques authoritez, en causes terriennes & tem­porelles sur les Rois & Princes, & exercer leur charge Pastorale, comme en vn mesme temps Sainct Pierre en fut chargé, par trois fois par son Seigneur & Maistre, Pasce oues meas: Pais mes brebis: & luy fut expressement defendu [Page 37] l'vsage du glaiue en ces parolles, Conuerte gla­dium tuum in locum suum, ou, Mitte gladium tuum in vaginam: c'est à dire, Remets ton cou­steau en son lieu, ou, Mets ton coustean en sa gaine. Tous lesquels cōmandemens de Christ & de ses Apostres, furent deuëment ensuiuis & obseruez plusieurs cētaines d'années, apres leur mort, par les fidelles & saincts Euesques de Rome: & Martyrs, qui ont deuëment suyui la doctrine & humilité des Apostres, & la do­ctrine de Christ, & par ce moyen dilaté plus amplement les limites de l'Eglise de Christ & dé la Foy, en l'espace de cent ans, que les der­niers Papes n'ont faict auec leurs glaiues & maledictions, ces cinq cens ans. Or ont ils ainsi continué iusques au temps d'vn Pape Hilde­brand autrement nommé Gregoire septiesme, Le Pape Hilde­brand à premier faict guerre con­tre l'Empereur, l'An 1074. enuirou l'An du Seigneur 1074. qui premier commença d'vsurper cette espec de Tyrranie, lequel, de n'agueres, le Pape appellé Pius cin­quiesme, & depuis Gregoire treziesme ont en­suiuy pour quelque patron comme il semble: à sçauoir qu'au lieu que Gregoire septiesme en l'An du Seigneur 1074. ou enuiron, presuma de deposer Henry quatriesme, qui estoit lors vn noble Empereur: Gregoire treziesme en ce temps veut attenter le semblable, contre la fil­le & heritiere du Roy Henry huictiesme, la [Page 38] Royne Elizabeth, qui est vne fille & Royne Sou­ueraine, tenant sa Couronne de Dieu imme­diatement. Et afin qu'il puisse apparoir aux Princes, ou à leurs bōs Cōseillers, pour vn pa­tron, quel fut l'heureux succez que Dieu dōna à ce bon Empereur Chrestian, Henry, contre l'orgueil du Pape Hildebrand, c'est chose no­table, que quand le Pape Gregoire, attenta de deposer ce noble Empereur Henry, il y auoit vn certain Rodolphe, homme noble, par quel­ques vns nommé le Conte de Renfield, qui par la solicitation du Pape, vsurpa le titre d'Empe­reur. Lequel fut vaincu par le susdict Henry l'Empereur legititime, Iugement de Dieu contre le faux Empereur establi du Pape. & ayant ledict Rodol­phe perdu au combat sa main droicte, se l'amē ­toit de son meschef à certains Euesques, qui l'auoyent suscité au nom du Pape: ausquels il disoit, que la main droite qu'il auoit perduë estoit celle mesme de laquelle il auoit aupara­uant iuré obeissance à son maistre & seigneur, l'Empereur Henry: & qu'en suyuāt leurs mau­uais cōseils, il auoyēt amené sus luy, vn pesant & iuste iugemēt de Dieu. Et ainsi Henry l'Em­pereur, ayāt le dessus par la puissance de Dieu, Pape Gregoire 7. deposé par Hē ­ry 4. fut cause que le Pape Gregoire fut deposé par vn Synode en Italie: comme deuant luy en pareil cas, son predecesseur Otho, auoit depo­sé vn certain Pape Iean, pour plusieurs crimes [Page 39] detestables: de pareille façon furent traictez dedans peu de temps trois autres Papes, Silue­stre, Benoist & Gregoire sixiesme par l'Empe­reur Henry troisiesme, enuiron l'An de nostre Seigneur 1047. pour leurs semblables atten­tats presumptueux, en actions temporelles, cō ­tre lesdicts Empereurs. Plusieurs autres exem­ples peuuent estre monstrez à la Maiesté Im­periale, & aux Princes du sainct Empire, Henry 5. Frederic. 1. Frederic. 2. Louys de Bauie­res Empereurs. qui sont à present, apres le temps de Henry quaties­me, comme de Henry cinquiesme, & apres luy de Frederic premier, & Frederic second, puis de Louys de Bauieres, tous Empereurs, cruelle­ment & tyranniquement persecutez par les Papes & par leurs Bulle [...], maledictions & guer­res ouuertes. Et le semblable peut estre mon­stré à plusieurs autres grans Rois & Monar­ques de la Chrestienté, touchant leur nobles ancestres Rois chacun en leur seigneuries par­ticulieres. Par ou ils peuuent veoir, que cette espece d'authorité tyrannique és Papes, de faire guerre aux Empereurs & Rois, & le commā ­dement qu'ils fussent depossedez, s'auança au commencemēt par le Pape Hildebrand. Com­bien que cela n'eut oncques aucun exemple legitime, ny adu eu des Loix de Dieu, soit du vieil soit du nouueau Testament. Mais aussi les succez de leurs tyrannies, furēt par la bon­té [Page 40] de Dieu, pour la pluspart, rēdus vains: com­me par la mesme bonté de Dieu, il ny a point de doubte que le semblable n'auienne, à leur confusion, en tous les siecles qui viendront cy apres.

Et pourtant, comme il ny à doubte, que tel­les violentes & tyraniques procedeures de quelque Pape que ce soit, pour maintenir les Traistres & Rebelles, seront empeschées par chaque Prince souuerain en la Chrestienté, pour la defence de leurs personnes & couron­nes, & la manutention de leurs subiects en paix: Tout ce qui est legitime aux au­tres Princes sou­uerains, est legi­time à la Royne & Couronne d'Angleterre. aussi maintenant y a il pareille▪ & iuste raison, que la Maiesté de l'Empereur & tous autres Rois & Princes souuerains en la Chre­stienté, iugent le semblable estre loisible à sa Maiesté, estant Royne & tenant le vray rang d'vn Roy & Prince souuerain, sus diuers Roy­aumes & nations: elle estant aussi tres-legiti­mement inuestie de sa Couronne, & pour le bon gouuernemēt de son peuple, estant aimée & obeye d'iceluy, auec tel applaudissement & generalle approbatiō (sauf de quelques furieux Traistres & Rebelles, ou quelques malcōtens, dont nul autre Royaume n'est exempt) que par l'espace de ces vingt & cinq ans passez cō ­tinuels, il a esté veu notoirement & marqué publiquement, auec admiration, mesmement [Page 41] par les estrangers conuersans en ce Royaume: tellement que sans, occasion de disgrace d'au­cun Monarque ou Prince Chrestien, la felici­té de sa Maiesté peut estre comparée auec la leur, qu'elle qu'elle soit. Et peut estre quelques Rois & Princes pourroyent estre bien con­tens, de iouïr en quelque proportion de sa feli­cité. Et combien que le Pape est maintenant souffert par l'Empereur, és domaines de son patrimoine, & par les deux grans Monarques, le Roy de France, & le Roy d'Espagne, en leurs Seigneuries & territoires (bien que par beau­coup d'autres Rois il ne soit ainfi auoüé) de continuer son authorité en diuers cas, & d'v­surper le titre superbe d'Euesque vniuersel de tout le monde (lequel, Gregoire le grand, en­uiron neuf cens ans passez, Titre d'Euesque Vniuersel est l'auancoureur de l'Antechrist. disoit estre vn titre profane plain de sacrilege & l'auancoureur de l'Antechrist:) toutesfois en leurs Seigneuries & Royaumes (comme aussi en ce Royaume d'Angleterre) par plusieurs loix anciennes, il a esté bien cogneu de tres-bonne marque, en combien de sortes la puissance tyrannique de cette excessiue authorité, à tousiours esté re­strainte bornée & limitée, par loix & pragma­tiques, anciennes & modernes, tant en France qu'Espagne & autres Dominations, qui est vn champ bien large, aux Legistes de ces cōtrées [Page 42] & regions pour s'y promener & faire leurs discours. Et toutes les fois que les Canonistes comme Canonniers du Pape, ont rēdu effroya­bles à la multitude & simple peuple, ses Excō ­munications & maledictions, lors les grans Empereurs & Rois qui ont precede, en matie­re de leurs droicts & Royalles préeminences, ores que cela ne cōcernast qu'vne cité, ou pou­ure ville, & aucunesfois que le desaueu de quelqu'vn indigne d'vn Euesché ou Abbaye, n'ont iamais esté retenus qu'ilz n'ayent mes­prisé toutes les maledictiōs & forces du Pape: Ains ont tousiours entreprins, ou par leurs es­pées de les cōtraindre à desister de leurs actiōs furieuses, où sans aucune crainte pour eux­mesme, de corps, d'ame, de conscience, de s'opposer hardiment à leurs maudissons, quel­que fois par force, autresfois par Loix & Or­donnances. Il y a trop d'histoires anciennes touchant cela pour les reciter, & nulles plus frequētes ou de plus grand effect que des Rois de France. Mesme aux Registres d'Angleter­re il appert combien les roys & la Noblesse d'Angleterre ont repoussé les vsurpations du Pape auec Edictz seueres, tellement que par vn terme propre de Praemunire ses procureurs ont esté espouuantez, & son Clergé tremblāt, comme de n'agueres le Cardinal VVolsey' en a [Page 43] faict preuue suffisante. Mais laissant les histoi­res anciennes, nous nous pouuons resouuenir en nostre present & dernier siecle, de ce que manifestement a esté veu, que l'armee du der­nier noble Empereur Charles le quint, pere du Roy Philippe à present regnant, ne fut point estonnée de ces maledictions: quand en l'An de nostre Seigneur 1527. 1527. Rome saccagée & le Pape Cle­ment prins par l'armée de l'Am­pereur. Rome mesme fut as­siegée & saccagée, & le Pape lors appellé Cle­ment auec ses Cardinaux en nombre d'enuirō trēte trois, prins prisonniers au mont Adrien, ou chasteau Sainct Ange: & detenus sept mois ou plus, puis apres rançonnez par Don Hugo de Moncada Espagnol, & le Marquis de Gua­sto, d'enuiron quatre cens mil ducats: outre les rançons de ses Cardinaux qui furent beaucoup plus grandes: ayant aussi non pas long temps deuant, nonobstant ces maledictions, esté as­siegé au mesme Chasteau, par la famille des Coloni & leurs fauteurs, ses prochains voisins, estans lors Imperialistes, iusques à estre con­traint de ceder à toutes leur demandes.

Le Roy Henry second, 1550. Les Edicts du Roy Henry 2. de France contre le Pape & sa court de Rome. pere de Henry à pre­sent Roy de France, enuiron l'An 1550. n'eut pas plus de crainte ou desgard au Pape & a sa court de Rome, quand il fist diuerses ordon­nances biē estroictes contre plusieurs poincts des vsurpations du Pape, au preiudice de la [Page 44] Couronne & Clergé de France, restraignant l'authorité de la court de Rome, au grand des­auantage des profits precedens du Pape.

L'armée de Philippe à present Roy d'Espa­gne, Le siege de Ro­me & du Pape, parle Duc d'Al­ut, auec l'armée du Roy Philippe. de laquelle estoit General le Duc d'Alue, ne fut non plus frappée de crainte de maledi­ction, quand elle fut menée deuant Rome con­tre le Pape, en l'An de nostre Seigneur 1555. où il s'y fist de grāds ruines par ladicte armée, & tous les exquis edifices & les murailles des iardins & complants prochains de Rome, fu­rent renuersez: dequoy sa Saincteté fut plus es­pouuantée, que suffisante à les repousser, auec toutes ses maledictions.

Aussi ne fut la Royne tres-illustre Marie, L [...] Royne Ma­rie, & le Cardi­nal Poole resistāt [...]u Pape. derniere soeur de la Maiesté de la Royne, per­sonne fort affectionnée à la religion Romai­ne, si fort effrayée des maledictions du Pape, que tant elle que tout son Conseil, & ce auec le consentement de tous les iuges du Royau­me, selon les loix anciennes, en faueur du Car­nal Poole son parent, ne defendist tres-estroi­temēt à Calais l'entrée de ses Bulles & du chap­peau de Cardinal, enuoyé du Pape, pour vn certain plaisant Moyne de l'Obseruance, nom­mé Peyto, que le Pape auoit designé Cardinal en defaueur du Cardinal Poole. Et le Cardinal Poole luy mesme, pour ce coup, n'obeit point [Page 45] aux commandemens du Pape: & ne se mon­stra estōné, estant assisté de la Royne, quand le Pape le menaça sus peine de maledictiō & d'ex­cōmunicatiō: mais s'opposa tousiours contre le cōmandemēt du Pape, pour ledict Cardinal pretendu Peyto: lequel nonobstant toutes les menaces du Pape, fut contraint d'aller c'à & là par les ruës de Londres, D. Peyto Moyne mandiant. sans son chappeau rou­ge, cōme vn Moyne mendiant: resistance cer­tes hardie en vne Royne, pour vn poure chap­peau de Cardinal. En quoy, elle suyuit l'exem­ple de son grand pere, le Roy Henry septiesme, au faict de l'Alum: où le Roy vsa de bien gran­de seuerité contre le Pape. Ainsi donc, cōment que ce soit, que les Princes Chrestiens pour quelques respects de police, peuuent endurer que le Pape commāde, là ou il n'en sourt dom­mage ny desauantage pour eux mesme: si est il seur, Les Roys Chre­stiens n'ont ta­mais souffert, les Papes entreprē ­dre sus leurs Ti­tres, ou droictz, encores qu'ilz les ayēt soufferts gouuerner leurs peuples. & les Papes ne l'ignorent point, que là où ils attēterōt en quelque sorte, d'vsurper sus les Princes Chrestiens, quelque portiō de leurs Seigneuries, où donneront aide à leurs enne­mis où quelques autres de leurs Rebelles, en ces cas, leurs Bulles, leurs maledictiōs, leurs ex­communications, leur fentēces & plus solem­nelles anathematizations, leurs croix, leurs clefz, leur espées à double trenchant, ne leur scruirōt de rien pour auancer leurs intētions.

Maintenant donc que le Pape à manifeste­stement attenté par ses Bulles & excommuni­cations, autant qu'il à peu, pour priuer sa Ma­iesté de ses Royaumes, de retirer de son obeis­sance ses subiectz, de procurer rebellion en ses Royaumes, voire tout ensemble rebellion & guerre ouuerte, auec ses propres Capitaines, Soldats, bannieres, enseignes, & toutes autres choses appartenantes à la guerre: ce Pape Gre­goire, ou quelque autre Pape apres luy, pense­roit-il qu'vne Souueraine Royne inuestie des deux Royaumes d'Angleterre, & d'Irlande, e­stablié par autant d'années en ses Royaumes, que trois ou quatre Papes ont esté assis en leur chaire à Rome, fortifiée d'vn tel deuoir, amitié, force de ses subiects, ne recognoissant autre Superieur sus ces Royaumes, que la main puissante de Dieu, doyue estre empeschée ou craindre de resister & rēdre vains ses attentats illegitimes, soit par son espée ou par ses loix? où de mettre ses Soldats inuaseurs de son Royaume, Lae Royne d'Au­gleterre ne peut souffrir que le▪ Pape en quelque sorte esmeuue re­bellion en son Royaume. au trenchāt de l'espée vaillammēt? où d'executer politiquement ses loix sus ses propres subiects Rebelles, qui sont conuain­cus d'estre les principaux instrumens de Re­bellion & de la guerre ouuerte? Non, c'est chose scure que quiconque, ou estant assis en sa chaire auec sa Triple couronne à Rome, ou [Page 47] quelque autre de ses procureurs en quelque part de la Chrestienté que ce soit, renouuclle­ront ces entreprinses illegitimes, le Dieu tout­puissant, ce grand Roy des Roys, que sa Maie­sté honore & recognoist estre son Souuerain Seigneur & Protecteur, duquel elle cerche de defendre les Loix, & l'Euangile de son Filz Ie­sus Christ, sans doubte fournira puissance suf­fisante és mains de sa fille & seruante la Royne Elizabeth, pour leur resister & tous ensemble les confondre.

Puis donc que les trompettes seditieuses d'infameté & mensonge, Additions au Martyrologe dis Pape. ont proclamé & in­titulé certains qui ont souffert pour Traison, estre Martyrs pour la religion, aussi peuuent ilz à present s'il leur plaist, adiouster à leur ca­talogue forgé, le corps sans teste, du dernier miserable Conte Desmond: La fin estrange du miserable Comte Desmond. D. Sanders. Ia­ques fils-Morice. Ian Desmond. chef de la Rebel­lion d'Irlande, lequel n'agueres vagant secret­tement sans secours, comme vn miserable mē ­diant, fut prins par vn Irlandois en sa caban­ne, & selon sa sauuage façon accoustumée, à l'Irlandoise, sa teste luy fut coupée: issuë di­gne d'vn tel chef de Rebelles. Icy pareillemēt, pour reciter là fin de ses principaux confede­rez, on peut remarquer, pour exemple aux au­tres, la façon estrange de la mort du D. Sanders, Legat du Pape en Irlande, lequel aussi errant [Page 48] sans secours par les montaignes en Irelande, mourut resuant & phrenetique. Et deuant luy vn nommé Iaques Fits-Morice, le premier trai­tre d'Irlande, (apres Stukely le tison d'enfer,) homme assez cogneu au palais du Pape, pour vn meschāt & frauduleux traistre, fut tué d'vn coup, par vn ieune noble Gentil-homme Ir­landois, qui defendoit le territoire de son pere, que le traistre [...]rchoit de brusler. Le quatries­me homme signalé, estoit Ian de Desmond, fre­re du Comte, vn vray sanglant traistre & no­table meurtrier de ses familiers amis, lequel aussi vagant par les bois, pour cercher quel­que proye comme vn Loup, fut prins & deca­pité à sa guise, estant, comme il pensoit, suffi­samment armé auec des Bulles du Pape, vn cer­tain Agnus Dei, ensemble vn anneau & pierre exquise penduë à son col, & enuoyée (comme on disoit) du doit du Pape: mais tout cela, comme il a veu, ne luy à pas sauué la vie. Et telle a esté la fin fatale, d'eux tous, estans les Chefz principaux, de la guerre & rebellion Irlandoise: tellement que nul à present n'est resté cogneu pour Traitre en Irlande, oeuure certes de Dieu & non pas des hommes.

A ce nombre (s'ilz cerchent nombre) ils peuuēt aussi adiouster, Ian Sommer­ville. vn forcené ieune hom­me du Comté de VVarvvick, nōmé Sommer­ville, [Page 49] pour accroistre le Calēdrier des martyrs du Pape: lequel, de nagueres, fut descouuert, & prins en chemin, venant auec propos resolu pour tuer sa Maiesté: la vie de laquelle, Dieu à tousiours en sa garde. Cét attentat, n'a point esté denié par le Traistre mesme: mais la con­fessé, & qu'il auoit esté esmeu à cela en son es­prit malin, par l'incitation de certaines per­sonnes seditieuses & traistres, ses parens & al­liez: & aussi par la frequēte lecture de plusieurs meschans liures seditieux, nagueres publiez cōtre sa Maiesté. Or sa fin a esté telle qu'il s'est estranglé & faict mourir luy mesme par dese­spoir: exemple de la seuerité de Dieu enuers ceux qui par violence s'esleuent contre les oinctz du Seigneur. Car comme Dieu par sa bōté à long temps preserué iusques icy sa Ma­iesté, de cette & semblables menées, aussi n'a elle cause de craindre estant soubs la prote­ction d'iceluy, elle disant auec le Roy Dauid au Pseaume, Mon Dieu est mon aide, & ie me con­fieray en luy: il est ma protection & la force de mon salut. Et pour le confort de tous bons subiects, contre les ombres des Bulles des Pa­pes, il est manifeste à tout le mōde, que depuis le commencement du Regne de sa Maiesté, La prosperité d'Angleterre durant les ma­ledictions des Pape. par la bonté singuliere de Dieu, son Royau­me à i'ouy d'vne paix plus vniuerselle, son [Page 50] peuple a esté accreu en plus grand nombre, plus grand force, plus grandes richesses, & moins de maladies, la terre en ses Royaumes à rendu plus de fruicts, & generalement toute sorte de felicité mondaine a esté plus abon­dante, depuis & durant le temps des tonner­res, Bulles & maledictions du Pape, qu'en aucū autre temps parauant, quand les pardōs & be­nedictions des Papes, abordoyent d'an en an en ce Royaume: tellement que ces impreca­tions & maledictions sont retournées sur luy & ses fauteurs, à ce qu'il puisse estre dit à là bien-heureuse Elizabeth Royne d'Angleterre & à son peuple, ce qui estoit dit au Deuterono­me touchant Balaam, Le Seigneur ton Dieu n'a point voulu ouyr Baalam, mais à tourne ses male­dictions & imprecations en benedictions: la raison est, pource que ton Dieu t'ayme.

Or combien que ces raisons precedētes sont suffisantes pour induire toutes personnes rai­sonnables, à approuuer les actiōs de saMaiesté, cōme bonnes, legitimes, & necessaires: neant­moins pource qu'il peut estre, qu'aucuns qui sus vn preiudice ou preiugé desia formé, ont leurs opiniōs enracinées en la faueur du Pape, par la lecture frequente des faux libelles artifi­ciellement composez & ausquels ils ont don­né credit, demeureront mal satisfaicts: pour [Page 51] ceste cause, afin de satisfaire à tous, autant qu'il se peut faire, &, aussi auant que la raison cōmu­ne le permet, monstrer que les dernieres actiōs de sa Maiesté, en l'execution de certains Trai­stres seditieux, n'ont esté causées de ce qu'ilz ont tenu des opinions, soit touchāt la primau­té du Pape, ou contre les droicts de regalité de sa Maiesté: mais pour vrays crimes de seditiō & Traison: il suffira briefuement en maniere de recapitulation des raisons precedentes, de repeter les poincts qui ensuyuent.

Premierement, Raisons pour persuader les fa [...] ­teurs du Pape que nul n'a esté executé pour re­ligion, maus pour Traison. Premiere rai­son. on ne peut nier, que sa Maie­sté n'ait souffert paisiblement par plusieurs an­nées, les Bulles & excommunications du Pape, sans punition des fauteurs d'icelles, n'en faisant cas, sinon cōme de paroles & de vent, ou des­cris en parchemin appesantis de plomb, où, comme de bouteilles d'eau communemēt ap­pellées en Latin Bulles, & telles choses sembla­bles. Mais apres auoir eu quelques preuues, que certains temeraires & mauuais subiects, e­stoyēt accouragez par cela à mal faire, elle n'en peut lors estimer autremēt, sinon que c'estoyēt vrays praeambules, & auant-coureurs de plus grans dangers. Et pourtant, auec qu'elle raison peut déplaire à aucun, que sa Maiesté sans au­tre action de violence, pour vne defence nuë a lencontre d'eux, ait vsé de laide des prece­dentes [Page 52] loix, remises en vigeur pour prohiber la publication ou l'execution de telle espece de Bulles dedans son Royaume?

Secondement, Seconde Raison. quand nonobstant la prohi­bition faicte par ses loix, les mesmes Bulles fu­rent en grand nombre (mais secrettement) a­portées au Royaume, & à la fin arrogammēt attachées, La Bulle de Pius Cinquiesme, at­tachée au temple de Sainct Paul. aux portes du Palais de l'Euesque de Londres, prez l'Eglise cathedralle de S. Paul, en la principale cité du Royaume, par quelque mauuais garnement, se portant en cela com­me vn herault enuoyé du Pape: à qui peut par quelque raison deplaire, que sa Maiesté, trou­uant vne forme de denunciation de guerre, comme vne defiance faicte en sa principale ci­té, par l'vn de ses subiects, & par luy auoüée & maintenuë obstinéement, ait pourueu, selon l'ordre de iustice, que le malfaicteur eust le sa­laire digne d'vn tel faict? Et telle fut la premie­re action de punition capitalle, intentée pour matieres enuoyées de Rome, pour esmouuoir rebellion: ce qui fut apres que sa Maiesté eut regné l'espace de douze ans & plus: temps as­sez suffisant pour faire preuue de sa patience.

Tiercement quand le Pape en sa cholere s'est leué hors de sa chaire, La troisiesme Raison. venant des parolles & des escris aux actions, en contreuenant a l'auis donné par Sainct Bernard à l'vn de ses prede­cesseurs, [Page 53] quand di-je il a laissé Verbum, & prins Ferrum, c'est à dire, qu'il à laisse de pai­stre par la parole, (ce qui estoit de son deuoir) & à commencé de frapper auec l'espée, (ce qui luy estoit defendu,) excitant directement les nobles & le peuple à vne rebellion ouuerte, Rebellion au North. (qui fut le faict de Dathan & Abiron,) & quand ses mauuais subiects, par le commandement d'iceluy, ont executé le mesme auec toutes leurs forces qu'ils peurent amasser & mettre aux champs: Qui est-ce qui par bonne raison peut reprouuer, que sa Maiesté ait employé sa Royalle & iuste authorité, & par ses forces le­gitimes, subiugué la puissance illegitime des rebelles: & puni les autheurs du faict, en la mesme sorte que le Pape mesme le pratique à l'endroit de ses propres subiects rebelles, en son patrimoine de l'Eglise: comme depuis peu de mois en c'a il a esté contraint dy penser? Que si le Prince de quelque peuple en tout le monde, vouloit autrement m'espriser son of­fice, & souffrir ses subiects faire à leur volon­té, nul n'auroit pitié de luy, si par defaut de re­sistāce & courage, il perdoit ensemble sa Cou­ronne, sa teste, sa vie, & son Royaume.

Quartemēt quand sa Maiesté à veu vn plus Quatriesme Raison. grand accroissemēt de la malice du Pape (non­obstant que la premiere rebelliō vers le North [Page 54] estoit esteinte) en ce qu'il entret enoit hors le Royaume, les traistres & rebelles fugitifz pour rebellion, auec toute là racaille des autres fu­gitifz hors du Royaume, desquels il enuoyoit certain nombre en habits desguisez, és deux Royaumes d' Angleterre & Irlande, qui secret­tement induisoyent la le peuple, à nouuelles rebellions: quand elle à veu qu'au mesme temps, il n'espargnoit ses moyens, pour en­uoyer aussi d'Italie par mer, L'inuasion d Ir­lande par le Pa­pe. certains nauires auec ses Capitaines propres, & ensemble leurs bandes & Soldats, fournis de thresor, muni­tion, victuailles, enseignes, bannieres & au­tres choses requises à la guerre, en son Royau­me d'Irlande, là où lesdictes forces, auec au­tres compagnies venues d'Espagne à leur se­cours, se terrassoyēt & fortifioyent fort & fer­me, sus là coste de la mer, & proclamoyent guerre ouuerte, dressans là banniere du Pape contre sa Maiesté: Tel estant l'estat des affai­res, peut il point estre demandé à ces fauteurs de l'authorité Romaine, que c'est qu'auec rai­son il pouuoit estre fait par sa Maiesté, autre­ment, premierement que d'apprehender tous les fugitifz ainsi furtiuement entrez dans le Royaume, & dispersez en habits deguisez pour semer sedition, aucuns comme Prestres en leur secrette profession, mais tous en leur [Page 55] appareil comme voleurs & ruffiens: aucuns escholliers semblables au moindres du com­mun peuple: puis estās emprisonnez, sur l'exa­men de leur menées & hātises, les conuaincre par le tesmoingnage de leurs propres compa­gnons, de leurs conspirations au dehors, & de leur semence de sedition, au dedans du Royau­me? Que peut-on, di-je, estimer raisonnable­ment estre conuenable de faire auectelles per­sonnes seditieuses, sinō par les loix du Royau­me, de les examiner, condamner & executer? & nomméement eu esgard au temps dange­reux, auquel les forces du Pape estoyent au Royaume d'Irlande, prestes d'estre suyuies de plus grandes, aussi bien en Angleterre com­me en Irlande? Pour ausquelles resister, sa Maiesté & son Royaume, furent forcez d'en­trer en plus grandes charges, qu'elle n'auoit faict, depuis qu'elle en estoit Royne. Ainsi dōc, par la puissance que Dieu luy à donnée, d'vne part, elle à par ses loix reprimé les seditieux soufflets de rebellion en son Royaume d'An­gleterre: Les forces du Pape desfaictes en Irlande. & pat son espée deffaict toutes les forces du Pape en son Royaume d'Irlande, ex­cepté certains Capitaines de marque, qui fu­rent sauuez du glaiue comme personnes qui renonçoyent à ceste querelle, & sembloyent maudire ou blasmer ceux qui les auoyent en­uoyez, [Page 56] à vn si mal-heureux & desesperé voyage.

Mais combien que ces raisons, Les aduersaires politiques satis­faicts. fondées sus regles de discours naturel, satisferont vn grād nombre des aduersaires, qui confesseront que par bon ordre de ciuile & Chrestienne police & gouuernement, sa Maiesté ne pouuoit ny ne peut moins que ce qu'elle à faict: Premie­rement de subiuger auec force les rebelles & traistres, puis par ordre de ses loix chastier leurs fauteurs & partizans, & finalement met­tre au fil de l'espée, les forces que le Pape auoit enuoyé en ses Seigneuries: Toutesfois il y a certaines autres personnes, plus tendrement affectionnées au Pape, Obiection des Papistes que les executez estoyēt seulement escho­liers sans armes. qui sembleront encores n'estre satisfaictes: pource que (selon qu'ils en parlent,) vn nombre de simples pouures mi­serables, ont esté mis à mort comme traistres, n'estans d'autre profession que d'escholiers ou Prestres, soubz le nom de Seminaires, Iesuites ou simples maistres d'Eschole: qui ne sont point venus au Royaume auec armes ou ba­stons, pour aider par force aux rebelles & trai­stres, so it en Angleterre ou en Irlande en leurs rebellions ou guerres. De laquelle sorte de mi­serables on à compassion, comme si pour là contrarieté d'opinions en la religion, ou pour enseigner le peuple à desobeir aux loix du [Page 57] Royaume, ils pouuoyent auoir esté autremēt punis & chastiez, non toutesfois de peine ca­pitale. Ceste espece de defence, tend plustost à trouuer quelque faute en la seuerité de leur punition, que de les absoudre comme inno­cens & paisibles subiects. Mais, pour respon­ce, auec plus ample satisfaction de ces delicats & scrupuleux fauteurs des traistres, on leur peut auec raison demāder (si du moins ils veu­lent ouurir leurs aurcilles à la raison) quel est leur iugement quand vn Roy estably en son Royaume, descouure quelque rebellion pre­mierement pratiquée en secret, puis apres ou­uertement suscitée en son Royaume, par ses propres subiectz seditieux: & quand par vn estranger Potentat ou ennemy, ceste rebellion est maintenuë, Plusieurs sont traistres encores qu'ilz n'ayent armes ny bast [...]s. & les rebelles par messages & promesses incitez à continuer, & que leurs traisons contre leurs naturelz Princes sont a­uoüées, & consequemment, quand le mesme Potentat & ennemy, estant autheur de ladicte rebellion, auec ses propres forces, vient à in­uader le Royaume, & les subiects du Prince qui est si legitimement & paisiblemēt en pos­session? En ces cas di-je, les subiectz fauori­zans les rebelles & rendans obeissance à l'en­nemy agresseur, ne seront-ilz point attaints & & punissables comme traistres, mais seulemēt [Page 58] ceux d'entre eux, qui seront trouuez ouuerte­ment porter armes & bastons? Ne sera point le subiect espion & explorateur pour le rebel­le & l'ennemy, cōtre son Prince naturel, prins & puni cōme traistre, pource qu'il n'est point trouué auec armes: mais cependant sera prins en habit deguisé, auec rolles & escris ou au­tres indices manifestes, pour le prouuer estre espion des traistres: apres qu'il aura fureté clā ­destinemēt le Camp, la Region, la Cité, la cour de son Souuerain? Ne seront point les sub­iectz contéz pour traistres, qui dōnerōt secret­tement de l'argent contēt, à quelques vns pour estre rebelles & ennemis, où qui attenteront d'empoisonner les victuailles où les fontaines, où mettront secrettement le feu és nauires & munitions, où qui recercheront & sonderont clandestinement les Haures & appors, pour a­border en terre? Où bien mesureront la pro­fondeur des fossez, où la hauteur des Boulovars & murailles: pource que les malfaicteurs n'au­ront esté trouuez auec armes ou bastons? La responce à mon aduis doit estre renduë (si la raison & l'experience, peuuent seruir de regle aux aduersaires) que tous ceux-cy & leurs semblables, doyuent estre punis comme trai­stres. Et la principalle raison est, pource qu'il ne se peut nier que les actions d'eux tous, ne [Page 59] soyent accessoires necessaires, & proprietez inseparables, pour auancer & continuer tou­tes rebelliōs & guerres. Que s'ilz veulent nier qu'aucun soit traistre, sinon qu'il soit armé, ilz feront que Iudas ne sera point traistre, lequel est venu à Christ sans armes, couurant sa trai­son d'vn baiser.

Maintenant donc, L'Application des Traistres Es­cholliers & au­tres Traistres sans armes. il reste d'appliquer les faictz de ces derniers mal-faicteurs, qu'on pre­tent n'auoir failli sinon comme escholliers, li­braires, où, tout au plus, comme personnes qui seulement par paroles & doctrine & non auec armes fauorizent & aident les rebelles & en­nemis. Pour lequel propos, que telles person­nes soyent qualifiées, selon qu'il leur plaist, Es­cholliers, maistres d'Escholle, Libraires, Semi­naires, Prestres, Iesuites, Moynes, Bigots, Ro­manistes, vendeurs de Pardons, où tout ce que vous voudrez: ny leurs titres, ny leurs habits ne les ont point faictz Traistres: mais leurs se­crettes machinations & pratiques de traison. Leurs personnes n'ont point faict la guerre, mais leurs adresses & conseils, ont suscité les rebellions. Et pour vray ce sont-cy choses biē à pezer. La vraye cause finalle, de ces rebelliōs & guerres, a esté, de deposer sa Maiesté de sa Couronne: Le Pape à faict bruyre le son de sa Bulle pour cét effect. Les causes instrumētales, [Page 60] sont, cette espece de Seminaires & Semeurs de sedition, leurs secrets enseignemens & recon­ciliations en ont osté toute doubte: Les fruicts & effectz de tout cela, c'est par rebellion, d'es­pandre le sang de tous les fidelles subiects de sa Maiesté. Le salaire des vsurpateurs, (s'ilz pouuoyent preualoir) seroit, d'exhereder tou­te la Noblesse, le clergé, & toute la commu­nauté, qui voudroyent (comme ilz sont tenus par les loix de Dieu, par leur naissance & ser­mens) defendre leur naturelle & gracieuse Royne, le Païs de leur naissance, leurs femmes, leurs enfans, leurs familles & leurs maisons. Or maintenant, examinez ceux-cy que vous appellez vos Escholliers & Prestres d'esarmez, pourquoy ilz ont premierement fuy hors du Royaume là où ilz viuent & conuersent en la compagnie des principaux Rebelles & Trai­stres à Rome, & autres places: où il est verifié qu'ils ont esté participās de leurs conspiratiōs. Qu'on responde pourquoy ilz sont venus fur­tiuement en ce Royaume, pourquoy ilz ont tracassé haut & bas, deguiséz par changement de titre, & noms & maniere d'habits? Pour­quoy ilz ont incité & cerché de persuader par secrettes & fauces raisons, le peuple, d'aloüer & croire que toutes les actions & attentats du Pape, quels qu'ilz soyent, faictz où à faire, sont [Page 61] legitimes? Pourquoy en leurs conuenticules ilz ont reconcilié & distraict si grand peuple, des loix du Royaume, à l'obeissance du Pape, qui est vn Potentat estranger & ouuert enne­my: qu'ilz sçauent auoir desia declaré la Royne, n'estre legitime Royne, auoir maintenu les Re­belles & Traistres cogneus, auoir inuadé auec guerre ouuerte, les Seigneuries de sa Maiesté?

Examinez d'auantage, Six questions pour esprouuer les traistres, d'ē ­tre les Eschol­liers. ce que ces vagabons, desguisez, desarmez espions ont respondu, quand ilz ont esté prins & enquis ce qu'ilz pē ­soyent, de la Bulle du Pape Pius cinquiesme, publiée pour deposer la Maiesté de la Royne & auoüer ses subiectz à luy desobeir.

Sçauoir s'ilz iugent que tous subiectz doy­uent obeir à ladicte Bulle, 1 & ainsi se rebeller.

Secondement, 2 s'ilz estiment sa Maiesté estre Royne legitime du Royaume, nonobstant la­dicte Bulle, ou quelque autre Bulle du Pape.

Tiercement, 3 si le Pape peut donner toute li­cence comme il à faict, aux Comtes de Nor­thumberland & VVestmerland, & autres sub­iectz de se rebeller, cōme ilz ont faict: où don­ner congé au D. Sanders né subiect naturel, mais vn desnaturé Prestre decrepiteux, de prendre les armes & esmouuoir guerre, com­me il fit en Irlande.

Quartement, 4 sçauoir si le Pape peut deschar­ger [Page 62] les subiectz de sa Maiesté, où d'aucuns au­tres Princes Chrestiens, de leurs sermens d'o­beissance.

Pour le cinquiesme, 5 si ledict Prestre traistre Sanders, où vn certain Bristovve, rebelle fugi­tif, ont escrit en leurs liures, veritablement ou faucement, en approuuant ladicte Bulle de Pius cinquiesme, & le contenu d'icelle.

Finallement, 6 ce qui séroit à faire, si le Pape ou quelque autre designé par luy vouloit in­uader le Royaume d'Angleterre, & quel parti ilz voudroyent prēdre, où quel parti deuroyēt suyure, les fidelles subiectz de sa Maiesté.

A ce peu de questions, fort propres pour es­prouuer la verité ou fauceté de telles person­nes seditieuses, estās des-ja iustemēt cōdamnez pour leurs desloyautez, ces meschās (di-je) trai­stres desarmez, ny veulent en façon quelcōque respōdre directemēt, comme tous autres fidel­les subiectz de tous Princes Chrestiens, sont tenus de faire. Et toutesfois combien que sus le seul refus de respondre directement à ces questions, ilz pouuoyent iustement estre con­uaincus, cōme coulpables de Traison: Neant­moins, Mal-facteurs executez pour traison, non pour Religion. si n'ont ilz pas esté condamnez sur ce­la, mais pour toutes leurs autres actions pre­cedentes, commises tant dehors que dans le Royaume, qui n'estoyent pas moins actes de [Page 63] traison, que de toutes les autres especes de trai­stres, & de Iudas luy mesme cy dessus men­tionné, qui n'auoyent armes ny bastons, & qui neantmoins, en tous temps, doyuent estre iu­gez traistres.

Car ces hommes déguisez (appellez Eschol­liers & Prestres) ayans conuersé premieremēt par vn long temps delà la mer auec les trai­stres, en toutes leurs conspirations, sont icy ve­nus furtiuement en temps de guerre & rebel­lion, par le commandement du Capital enne­my, le Pape ou ses Legats, pour estre espions secrets & explorateurs du Royaume, en faueur du Pape, pour deliurer en secret des marques de Rome, cōme si ceussent esté arres ou gages, à ceux qui seroyēt tous prestz de se ioindre aux rebelles ou ennemis ouuers: & en telle sorte, auec leurs sainctes bagatelles de Rome, empoi­sonner les sens des subiectz, versans dedans leurs coeurs, des malicieuses & pestilētes opi­nions, contre sa Maiesté & les loix du Royau­me: Ilz sont venus pour allumer & mettre le feu és coeurs des subiectz malcontens, auec les flames de rebellion: & ainsi cercher & sonder le profond & secret des interieures intentions de tous hommes, soit contre ou pour sa Maie­sté: iusques à porter finallement en vn Cata­logue, comme si c'estoit vn rolle de monstres, [Page 64] les noms & la puissance, auec la demeure de tous ceux qui seroyent prests à se rebeller & ayder l'inuasion foreine. C'est ceste espece de seditieuses actions, pour le seruice du Pape & des traistres & rebelles au dehors, qui les à rē ­dus traistres: & non pas leurs liures & chappe­lets, ny leurs tourteaux de cire, qu'ilz appel­lent Agnus Dei, ny leurs rogatons, ny mesme leurs opinions, pour les ceremonies & obser­uatiōs de l'Eglise Romaine. Et pour ceste cau­se, il se doit asseuremēt conclurre, que ceux-cy ont iustement deserui leur capitalle punition, cōme traistres, encores qu'ils ne fussent appre­hendez auec bastons & armes ouuertes.

Maintenant, si cette derniere repetition, quasi de toutes les principales causes & rai­sons cy dessus recitées, ne peut seruir pour fer­mer les bouches impetueuses, les langues pe­stilentes, & haleines veneneuses de ceux qui sont infectez de si lours erreurs, que de mainte­nir les subiectz seditieux, & flambeaux de se­dition, contre leur Prince naturel & leur païs: lors doyuēt ils estre laissez, Ceux qui sont deraisonnables & obstinez doy­uent estre laissez au iugement de Dieu. sans autres plus am­ples argumens, au iugemēt de Dieu tout-puis­sant: comme gens qui ont couuert leurs yeux contre la lumiere du Soleil, estouppe leurs au­reilles au son de la Iustice, & reserre leurs coeurs, contre la force de la raison. Car (com­me [Page 65] dit le Psalmiste) Ilz parlent mensonge, ilz sont venimeux comme le poison du serpēt, voire comme le sourd Aspic, qui estouppe ses aureilles.

Parquoy, concluant par la charité Chrestiē ­ne, si ces rebelles & traistres & leurs fauteurs, vouloyent prendre quelque remors & com­passiō de leur propre Patrie, s'ilz consideroyēt combiē vaines ont esté leurs entreprinses par tant d'années, sans qu'aucun de leurs attentats ou complots ait iamais succēdé: & combien de leurs confederez ont esté destruicts; par mi­seres & calamitez, & ainsi vouloyent desister de leurs desnaturées pratiques au dehors: & si ces Seminaires vagabons en secret, & espions en tenebres, vouloyēt employer leurs labeurs, en oeuures de lumiere & doctrine accordante à l'vsage de leurs escholles, se contentans eux­mesmes de leur profession & deuotion: Si le demeurāt du meschant troupeau des semeurs de sedition, vouloit desister de ses rebellions & de ses faux & infames brocards & diffames, du tout contraires à la charité Chrestienne: Il ny a point de doubte, par la grace de Dieu (sa Maiesté estant si addonnée à compassion, & affectionnée à la paix) que toute apparence & occasion, de plus grande effusion de sang des subiects naturels en ce païs, voire toute pour­suite de punition, corporelle, ne cessast entie­rement. [Page 66] A l'encontre de la malice desquels, (s'ilz ne desistent,) le Dieu tout-puissant vueil­le dōner par son Esprit & puissance, à sa Maie­sté, continuation de Regner & de viure en sa crainte, & d'auoir le moyen de les vaincre, e­stans tous ennemis de Dieu, & speciallement ses Rebelles & Traistres, tant au dedans com­me au dehors, & de maintenir & preseruer tous ses amateurs & naturels subiectz, pour le seruice d'iceluy Dieu tout-puissant, selon sa parolle & volunté.

Plusieurs autres choses pourroyent estre al­leguées pour la defence des actions dignes de Princesse, honorables, & sainctes de sa Maie­sté, en plusieurs autres poincts, esquels aussi ces brocadeurs & leurs semblables, ont n'a­gueres sans aucune honte cerché par faux & controuuez libelles de diffamer sa Maiesté & son gouuernement: mais pour cette heure, ces premieres causes & raisons alleguees par for­me d'aduertissement, & seulement pour main­tenir la verité, sont suffisantes pour iusti­fier les actions de sa Maiesté à tout le monde, és poincts mentionnez.

Veritas magna est, & praeualet.
Là verité est grande, & la plus forte.
3. Esd. 4.
FINIS.

DECLARATION DV TRAICTEMENT FA­VORABLE, DES COMMISSAIRES de sa Maiesté, ordonnez pour l'Exa­mination de certains Traistres: & des Tortures & Questions, qu'on à fau­cement diuulgé leur auoir esté données pour le faict de la Religion.

TRADVICTE AVSSI D'Anglois en François.

AV LECTEVR.

AMY Lecteur, encores que le gou­uernement tres-doux & gracieux de sa Maiesté, soit suffisant pour la defence de soy-mesme, contre le diffame de la tyrānie paganesque & barbare, & des cruelles tortures qu'on pretend auoir esté dō ­nées à certains Traistres, qui n'agueres ont pati pour leur traison, & autres: & lesquelles ont esté aussi bien diuulguées, par les Apostats Iesuites & Seminaires en leur seditieux liures, lettres & libelles, par les pays estranges & cours des Princes, comme insinuées és coeurs d'aucuns de nos compatriots & subiects de sa Maiesté: Neāt­moins pour mieux te satisfaire, i'ay conferé auec vn fort honneste Gentil-homme, lequel ie cognoy auoir bon & suffisant moyen contre tels forgeurs de mensonges & impudens calumniateurs en ce faict de declarer la verité, laquelle & luy & au­tres qui cognoissent & afferment le mesme, se­ront tousiours prests de iustifier. Or pour te rēdre plus certain & asseuré touchant cela, il à expose a la veuë de tous hommes, les aduertissemens qui ensuyuent.

QVAND à ce qui cōcerne la Tor­ture & les tourmens qu'on à em­ployez à l'endroict de quelques Traistres & pretendus Catholi­ques, on afferme pour verité & auec offre de le prouuer, par inquisition suffisante, qu'ils ont esté tels qu'il s'ensuit.

Premierement que les façons de Torture, 1 en leur seuerité & rigueur d'execution, n'ont point esté telles, ny exerceéz en la sorte que les calumniateurs & seditieux escriuains ont scan­daleusement & malicieusement publié: & que Campion luy-mesme, principal entre les mal­faicteurs, enuoyé & venu de Rome, qui à con­tinué en diuers coins de ce Royaume, à fure­tér en habit deguisé, la plus grand' part des prouinces d'Angleterre, en intention de dres­ser vn preparatif notable de Ttraisons: Qui pour l'auancement de ces siens desseings, afin d'auoir plus d'aide & d'assistance, auoit esté enuoyé delà là mer: Qui deuāt que de retour­ner de Rome, par grande finesse & traison, pro­cura souffrance du Pape pour ceux qui seroyēt disposez à rebellion, de se tenir clos & cou­uerts, soubs le pretexte d'vne obeissance à sa Maiesté, concedée pour vn temps, (l'estat des affaires estant tel qu'il est) pourueu qu'aussi tost qu'il y auroit forces suffisantes, par lequel­les [Page] la Bulle de la deposition de sa Maiesté, peust estre publiquement executée, lors ils se ioin­gnissent ensemble auec ces forces, sus peine d'excommunication & malediction: Ce bon Campion, di-je, deuant la conference qu'eurent auec luy en la Tour certains hommes doctes, auec comportement charitable, ne fut oncques tellement Geenné, qu'il ne fust sus l'heure prest de marcher & d'escrire: comme tout à l'heure presente, il escriuit & soubz-scriuit toutes ses confessions, ainsi qu'il en peut apparoir par les originaux. On faict aussi vn cas horrible, de la famine d'vn Alexandre Briant, qui auroit mangé de la bouë tirée d'vne muraille, & re­cueilly de l'eau à boire, du degout des mai­sons, & de telles autres marques d'inhumani­té. Mais pour ce regard, la verité est telle, que toutes les fois que Briant à souffert par defaut de nourriture, il là souffert voluntairement, & par vne impudence extreme d'obstination, contre l'intentiō & desir de ceux à qui il auoit affaire. Car certains escris de Traison ayans esté trouuez à l'entour de luy, il fut estimé con­uenable, par conference descritures, d'entendre de qui estoyent ces escris. Et sur cela estant commandé de par sa Maiesté descrire, cōme il le pouuoit fort bien faire, en luy estant permis descrire ce qu'il voudroit, en ces termes, que [Page] s'il ne luy plaisoit descrire vne chose, il luy e­stoit loisible d'en escrire vne autre à son gré: (ce qui estoit de son deuoir, en estant chargé au nom de sa Maiesté, & le refuser, estoit des­obeissance.) Neantmoins cét homme, par nuls moyens, ne peut estre induict à escrire chose quelconque. Lors donc il fut commandé à son Geolier, de luy donner pour toute viande & bruuage & autres necessitez, ce qui luy serui­roit pour escrire: & defendu de luy donner aucune chose, dont il ne voudroit escrire. Mais Briant, estant aduerty de cela & souuent incité à escrire, choisit plustost, persistant en son coeur maudict, d'auoir faute de nourriture presque par deux iours & deux nuicts, qu'en escriuant, auoir sa refection, comme il pou­uoit auoir promptement, & comme il l'eut defaict incontinent & plantureusement, si tost qu'il eut escrit. Or ce qui a esté dit de ces deux, il peut aussi veritablement estre dit des autres, auec cecy, qu'en cét affaire, on a cu vne perpe­tuelle solicitude, & que les gardes, & officiers de la Royne, qui ont la charge de manier les Geennes, furent tousiours expressement char­gez, par ceux qui faisoyent les examinations, de les traicter aussi charitablement, que tel affaire le pouuoit porter.

Secondement, 2 on dit, auec offre pareillemēt [Page] de le prouuer, que iamais aucuns de ces Semi­naires ou tels autres pretendus Catholiques, lesquels en quelque temps que ce soit du regne de sa Maiesté, ont esté mis sur la Torture ou Question, nefurent enquis d'aucun point cō ­cernant leur pretenduë conscience, cōme tou­chant ce qu'ilz croyent de quelque point de doctrine ou de Foy, soit de la Messe, Transub­stantiation, ou autre semblable: mais seulemēt auec quelles personnes & dedans & dehors le Royaume & de quels complots pratiques & conferences ilz auoyent traicté, soit pour at­tenter à la personne & Estat de sa Maiesté, où pour alterer les loix du Royaume en matiere de Religion, par Traison où par Force: & cō ­ment ilz estoyent persuadez en eux mesme, où persuadoyent les autres, touchant la Bulle & pretension d'authorité du Pape, pour deposer les Rois & Princes, & nommément pour de­poser sa Maiesté, & descharger ses subiects de leur obligation. Et sur cela la puissance & les Estats Royaux, & l'obligation politique des subiects ont tousiours esté specifiez, sans faire aucune mention ou comprendre en cela, au­cun droict que la Royne ait, par titre de la Cou­ronne, sus les personnes Ecclesiastiques, qui sont ses subiects: En tous lesquels articles, Cam­pion & les autres iamais ne respondirent ou­uertement, [Page] mais par sophisterie, tromperie & traison, restraingnants leur confession tou­chant l'obligation des subiects, seulement à la forme de la permission & souffrance du Pape. Comme, pour exemple, s'ils estoyent enquis à sçauoir, s'ils se recognoissoyent subiects de la Royne, & luy vouloyent obeir, Ils respon­doyent Ouy: car ilz auoyent congé, de le faire ainsi pour vn temps. Mais passant outre en cette questiō, & eux estans enquis s'ilz la vou­loyent ainsi recognoistre, & luy obeir plus long temps, que le Pape ne leur voudroit per­mettre, où, nonobstant tel commandement que le Pape voudroit ou pourroit donner au contraire: Lors ou ilz refusoyent vne telle o­beissance, où ne vouloyent respondre, où bien disoyent qu'ilz ne pouuoyent respondre à ces questions sans danger. Laquelle seule respon­ce, sans parler d'auantage, estoit vne responce ouuerte, à ceux qui ont le discours de la rai­son, qu'ils ne vouloyent estre subiects ny per­suader les autres, de l'estre plus long temps, que se Pape en donneroit licence. Et en la de­cision publique de leur cause, quand ilz s'ef­forçoyent de laisser és espris du peuple & des assistans, vne opinion qu'il leur falloit mou­rir, non pour traison, mais pour matiete de foy, & de conscience en la doctrine, qui touche [Page] le seruice de Dieu, sans auoir rien attenté ou desseigné contre sa Maiesté: ilz s'escrioyent, qu'ilz estoy ent fidelles subiectz, obeissans & voulans obeir & seruir à sa Maiesté. Mais sus le champ, pour esprouuer si cét hypocritique & sophistique propos, s'estendoit à vne per­petuelle obeissance de leur part, ou bien au­tant de temps que le Pape le permettoit ainsi, ou non: ilz estoyent publiquement enquis en la place du Iugement, par le docte Conseil de la Royne: A sçauoir, s'ilz vouloyent obeir & estre fidelles subiects, où cas que le Pape com­mandast le contraire: Lors plainement ilz se descouuroyent eux mesmes par leur respon­ce, disans par la bouche de Campion: Ceste place (entendans le siege Iudicial de la Cour de sa Maiesté) n'a nul pouuoir d'enquerir où iuger de l'authorité du sainct Pere▪ & ne vou­lurent oncques faire autre responce.

Tiercement est à noter, 3 qu'aucun d'eux n'a esté mis sus la Geenne ou Torture, non pas mesme pour matiere où participatiō de Trai­son, ou chose semblable, qu'il ne fust premie­rement cogneu, & rendu probable euidem­ment, par precedētes descouuertures, confes­sions & autremēt, que la personne ainsi Geen­née ou Torturée estoit coulpable: cognoissant & pouuant declarer la verité des choses dont [Page] elle estoit chargée: tellement, (comme il a esté premierement asseuré,) que nul innocent n'a oncques esté tourmenté, ny iamais la Tor­ture n'a esté employée, pour extorquer des confessions à tors & à trauers, sus des incertai­netez: En quoy faisant, il eust peu estre, que quelque innocent, en ce cas, eust peu esté Geenné.

Quartement que nul d'eux n'a esté mis sus la Question ou Torturé, 4 sinon que premiere­ment en paroles expresses ou aequinalentes, il eust dit qu'il ne vouloit dire la verité encores que la Royne luy commandast. Que si quel­qu'vn d'entr'eux estant examiné, disoit qu'il ne sçauoit ou ne s'en souuenoit, & qu'il le vou­lust affermer en la sorte que les Chrestiens en­tre les Chrestiens sont ordinairement creuz: vne telle respōce estoit acceptée, pourueu qu'il ny eust vne claire & euidente preuue, que de plain vouloir il eust parlé faucement. Mais s'il disoit que sa responce, en declarant la veri­té, endommageroit quelque Catholique, & ainsi seroit vne offence contre la charité, (ce qu'ilz disent estre peché:) & que la Royne ne leur peut commander de pecher: Tellement que quelque chose que sa Maiesté comman­dast, ilz ne voulust dire la verité, laquelle on sçauoit bien estre par luy cogneue: En ce eas, [Page] ou pour quelque semblable effect, ilz estoyent lors mis sus la Torture & non autrement.

Pour le cinquiesme, 5 la procedure en la Tor­ture a esté tousiours si lente & peu voluntaire, & auec tant de preparations pour les persua­der de s'espargner eux mesmes, & ainsi par di­uers moyens leur faire cognoistre qu'ilz de­uroyent dire la verité, tant par deuoir enuers sa Maiesté, que par sagesse pour eux mesmes: Que quiconque estoit present à ces actions, doit recognoistre és ministres de sa Maiesté, vn propos resolu, d'ensuyre l'exemple de la disposition tres-benigne qui est en elle, laquel­le Dieu vueille long temps preseruer.

Ainsi il appert, que combien que par les loix plus communes de toutes nations, l'vsage de la Torture a esté & est iugé legitime, en cas de moindre importance: voire & d'vne façon beaucoup plus aspre, pour l'inquisition de la verité, en crimes qui n'aprochent pas si pres d'vn danger publicq, que celuy qui a esté com­mis, par ces hommes detestables: les conspi­rations desquels & particularitez d'icelles, il importesi grandemēt & est du tout expedient de descouurir: Neantmoins, encores en cét vsage necessaire d'vne telle procedure, forcée par l'obstination notoire des malfaicteurs, est à recognoistre d'vne part l'inclination natu­relle [Page] à benignité, de la Clemēce douce & gra­tieuse de sa Maiesté: & d'autrepart combien est à condamner de tant plus, la malice infa­me de ceux, lesquels en faueur de ces malfai­cteurs detestables, & Traistres obstinez, ont semé des faux & scandaleux bruicts, pour ren­dre son gouuernement tres-bening desagrea­ble, soubz fauces pretences & rumeurs d'ai­greur & cruauté, enuers ceux, contre lesquels rien ne pourroit estre cruel, & ausquels toutesfois rien n'a esté faict, qui ne resente sa douceur & misericorde. *⁎*

FIN.

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